Alors que la Cour d'appel vient d'invalider le règlement de Montréal qui interdit l'affichage sur le mobilier urbain, la Ville maintient pour l'instant sa proposition visant à encadrer la pratique.

Jeudi dernier, la Cour d'appel a donné raison au militant Jaggi Singh. En avril 2000, il avait reçu une infraction pour avoir posé sur un poteau une affiche du Salon du livre anarchiste. Il contrevenait à l'article 469 du règlement d'urbanisme, qui interdit de poser une affiche ailleurs que sur les surfaces prévues - dont les palissades de construction et une poignée de modules spéciaux.

Selon Jaggi Singh, l'article viole la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour d'appel lui a donné raison. Elle suit ainsi la logique d'un jugement de la Cour suprême rendu en 1993 contre la Ville de Peterborough.

La C.O.L.L.E., regroupement de petits promoteurs et diffuseurs culturels comme les festivals Fringe, Pop Montréal et Suoni Per Il Popolo, est très satisfaite. «Ça peut seulement aider notre cause», indique son porte-parole, Sébastien Croteau.

Montréal dispose de six mois pour changer son article, ou de 60 jours pour interjeter appel. «On ne fait pas de commentaire, on étudie encore le jugement», indique Patricia Lowe, porte-parole de la Ville.

Elle ne dit pas non plus ce qu'il adviendra de la proposition sur l'affichage, présentée le 5 juillet aux membres de la C.O.L.L.E. - rappelons que le milieu culturel a reçu 85% des 413 constats d'infraction liés à l'affichage en 2009.

Montréal n'a pas suggéré de modifier son règlement. Selon sa proposition, l'affichage resterait interdit hors des surfaces prévues, mais le nombre de surfaces offertes augmenterait. «La Ville veut installer des modules sur du mobilier urbain ou sur de nouvelles colonnes (cylindriques). Cela permettrait de poser des affiches allant jusqu'à 11 pouces sur 17 pouces, obligatoirement agrafées», explique M. Croteau, également directeur général de l'Association des petits lieux d'art et de spectacle (APLAS). Il qualifie cette solution de «très intéressante».

Selon les évaluations de la Ville, il faudrait installer 215 modules dans le Plateau-Mont-Royal et 300 dans Ville-Marie. À l'heure actuelle, il n'y en a que 10 pour ces deux arrondissements. Des modules pourraient être installés dans d'autres arrondissements.

Si le plan se concrétise, Montréal compterait 4,2 modules par tranche de 10 000 habitants. Ce serait mieux qu'Ottawa (3,1), mais nettement moins que Toronto (10 à la réalisation de son plan en 2017) et Genève (86,8).

Même si la Ville choisissait de se plier au jugement de la Cour d'appel, elle pourrait maintenir sa proposition, croit Sébastien Croteau. Ainsi, Montréal encouragerait les afficheurs à utiliser ces modules pour des raisons de propreté et d'esthétisme, mais elle n'interdirait pas aux afficheurs d'utiliser le reste du mobilier urbain.

En attendant, le règlement municipal coûte cher aux petits promoteurs et diffuseurs. Dans les deux dernières années, ils ont reçu près de 300 000 $ en constats d'infraction. Par exemple, les amendes de Pop Montréal se sont élevées à 18 000 $ l'année dernière. «C'est plus que ce que la Ville nous donne en subvention», a dénoncé en mai dernier une de ses productrices, Patricia Boushel.

Le promoteur Blue Skies Turn Black a cessé de poser des affiches, mais il reçoit encore des constats pour celles qui traînent. «On va les contester», indique son cofondateur Brian Neuman.