À 2,1 millions de dollars, l'administration Tremblay paie beaucoup trop cher pour exproprier deux immeubles abandonnés du Vieux-Montréal, dénonce Projet Montréal. Le deuxième parti d'opposition remet aussi en cause le travail de l'évaluateur embauché par la Ville, qui a rejoint le cabinet représentant le propriétaire des bâtiments après son mandat.

La Presse rapportait mardi dernier que la Ville était sur le point de régler ce feuilleton qui dure depuis près de 15 ans. Elle a conclu une entente pour évincer le propriétaire du 22-26, rue Notre-Dame Ouest et l'immeuble contigu qui donne sur la rue de Brésoles. Le pacte sera soumis au conseil municipal ce soir.

Du bâtiment qui donne sur Notre-Dame, en plein quartier touristique, il ne reste que la façade. Et encore, elle est recouverte d'une toile. L'entrée est barricadée par une clôture métallique. La propriété de la rue de Brésoles est elle aussi abandonnée.

Projet Montréal s'étonne que la Ville accepte de payer 2,1 millions pour évincer l'homme d'affaires Harold Rosen, propriétaire des bâtiments délabrés. Les deux propriétés valent ensemble 1,25 million au rôle d'évaluation foncière. Et la Ville n'a offert que 1,3 million lorsqu'elle a entamé des procédures d'expropriation en 2008.

Par ailleurs, l'évaluateur embauché par la Ville pendant les procédures d'expropriation, Jules Mercier, a rejoint la firme Poisson, Prud'homme&Associés peu après avoir remis son rapport. Cette entreprise a représenté M. Rosen pendant les mêmes procédures, une coïncidence qui irrite le conseiller François Limoges.

«Pourquoi la Ville n'a pas engagé un deuxième évaluateur indépendant pour faire un deuxième rapport? demande-t-il. Elle est là, la négligence.»

Mais la porte-parole de l'administration Tremblay, Joëlle Lachapelle, affirme qu'il n'y a aucune raison de douter de l'objectivité de M. Mercier. L'embauche d'un autre évaluateur aurait d'ailleurs gonflé la note de la Ville d'au moins 30 000$.

Quant au prix payé, dit-elle, il reflète l'état du marché immobilier au début des procédures d'expropriation, en 2008.

«La loi sur l'expropriation veut que l'on paie, selon le prix du marché, au moment de la date de l'avis envoyé au propriétaire, explique-t-elle. Le propriétaire demandait plus de cinq millions, et la Ville n'a payé que 2,1 millions, alors nous sommes satisfaits du règlement.»

Abandonnés depuis 1996

La Ville a eu vent dès 1996 que les bâtiments commençaient à se dégrader. Des démarches d'expropriation ont été entamées par l'administration de Pierre Bourque en octobre 2001.

Quelques mois plus tard, le propriétaire a soumis un projet de restauration et entamé des travaux. Confiante de sa bonne foi, la Ville a renoncé à l'exproprier en 2004.

Mais le propriétaire a abandonné les travaux après avoir démoli la charpente. À ce jour, il n'en reste qu'une façade de pierre donnant sur la rue Notre-Dame. Le Service des incendies de Montréal a dû intervenir pour sécuriser la structure.

M. Rosen a affirmé au quotidien The Gazette qu'il n'avait pas eu le temps de mettre en oeuvre son projet de développement. Il a souligné que le site était difficile à développer puisqu'on ne peut y aménager un stationnement.

L'opposition est toutefois sceptique.

«La Ville récompense quelqu'un qui l'a narguée, affirme François Limoges. C'est impossible de croire à la bonne foi du propriétaire.»