Les entreprises de camionnage essuient des pertes annuelles estimées à 80 millions de dollars en raison de la congestion routière dans l'île de Montréal, selon une étude rendue publique en 2009 par le ministère des Transports du Québec.

Ces estimations ne concernent toutefois que les pertes liées à la congestion dite récurrente, c'est-à-dire celle des heures de pointe, durant laquelle les camions représentent moins de 3% des véhicules en circulation.

Or, depuis plusieurs années, fait remarquer Marc Cadieux, président de l'Association du camionnage du Québec, l'heure de pointe dure toute la journée sur les autoroutes les plus fréquentées (Métropolitaine, Décarie, Ville-Marie, etc.).

Le lancement de nombreux chantiers concomitants (échangeur Turcot, CHUM, pont Mercier, etc.), dont les impacts risquent de s'ajouter au chaos actuel, inquiète donc au plus haut point les transporteurs.

Les effets pécuniaires des embouteillages causés par les accidents et les chantiers routiers - la congestion dite «incidente» - n'ont jamais été quantifiés, mais ils pourraient coûter des centaines de millions par année à l'industrie, selon l'ACQ.

Selon des données fournies à La Presse par l'ACQ et confirmées par des entreprises, un transporteur montréalais qui fait une livraison dans l'île peut facturer à son client de 275$ à 300$ pour un chargement complet, qui prend environ quatre heures (manutention, transport et déchargement inclus) dans des conditions de circulation normales.

Dans un quart de travail de huit heures, un camion peut donc faire deux voyages complets s'il n'a qu'un seul arrêt à faire par livraison, pour des revenus de 550$ à 600$ par jour.

Pour cette journée, selon l'ACQ, un transporteur commandera donc des taux variant de 65$ à 85$ l'heure, selon le type de camion. Cela couvre les coûts du carburant, le salaire du chauffeur et, bien sûr, «une marge de profit raisonnable».

Chaque heure perdue dans les embouteillages entraîne donc un manque à gagner équivalent de 65$ à 85$, ce qui peut représenter, dans une journée type, entre 12,5% et 13,5% des revenus générés par chaque camion.

Surprime à la congestion

À l'ACQ, on refuse de spéculer sur les impacts (ou sur l'ampleur) que pourrait avoir une éventuelle «surprime à la congestion» sur les coûts du transport des marchandises à cause des grands chantiers à venir.

À Vancouver, l'hiver dernier, la Freight Carriers Association avait recommandé de hausser de jusqu'à 40% le coût du transport dans certains secteurs de la ville. Mais cette recommandation, en fin de compte, a été très peu suivie «parce que les conditions se sont avérées, en général, moins pénibles que prévu».

Marc Cadieux estime toutefois que si une surprime de cette nature devait entrer en vigueur à Montréal, les clients des transporteurs seront probablement tentés de «partager» cette facture avec leurs propres partenaires.

D'un maillon de la chaîne au suivant, reconnaît-il, «le consommateur finira tôt ou tard par essuyer sa part des coûts de la congestion».