Moins de contraventions, plus de maisons de chambres et un tout nouveau «centre de répit et de dégrisement»: voilà quelques mesures que le maire Gérald Tremblay a sorties de sa besace cet après-midi pour venir en aide aux milliers de sans-abri montréalais.

Son Plan d'action ciblé en itinérance, fruit de trois années de consultations «auprès de tous les partenaires», a-t-il assuré en conférence de presse, contient en tout 11 mesures. L'accueil a été plutôt positif auprès des organismes s'occupant des sans-abri, même si on a déploré la timidité des mesures contre le harcèlement policier.

«C'est une annonce très importante pour moi, a déclaré d'entrée de jeu M. Tremblay. Ça fait neuf ans que je suis maire et il n'y a pas un itinérant qui m'a manqué de respect. Ce sont des personnes comme nous. Peut-être qu'elles ont seulement besoin, parfois, d'un sourire, d'un peu d'attention. Ces personnes-là ont le droit à certaines conditions de faire partie de la société québécoise.»

Certaines des mesures annoncées, comme le projet de «médiation urbaine» ou le «renforcement de l'exercice de la citoyenneté», relèvent de l'orientation plutôt difficile à quantifier. D'autres viennent toutefois réellement combler un besoin criant. Un exemple: il n'existe pas actuellement à Montréal un organisme spécialisé prêt à prendre en charge en tout temps les sans-abri en état d'ébriété ou d'intoxication avancée. Le Centre de répit et de dégrisement pourrait s'occuper d'une dizaine de sans-abri à la fois pour un court laps de temps. Trois formules sont actuellement à l'étude: l'association avec un organisme existant, l'installation à l'Hôtel-Dieu ou la location d'un édifice à cette fin.

Profilage social et répression

Une autre initiative couronnée de succès depuis 2009, l'équipe sur le terrain composée de deux policiers et deux intervenants sociaux, sera appelée à prendre du galon. L'Équipe mobile de référence et d'intervention en itinérance (EMRII) devrait compter à moyen terme sur les services de six policiers et quatre intervenants sociaux, qui pourront être appelés à la rescousse par les policiers des quartiers chauds de la métropole. Cette équipe, indique-t-on de source policière, est un outil «inestimable» pour les interventions auprès des sans-abri.

Le maire Tremblay s'est en outre réjoui d'avoir implanté 10 000 logements sociaux, ainsi que 1400 chambres et appartements avec support communautaire depuis sa première élection. Il a promis 750 chambres et appartements supplémentaires destinés aux sans-abri.

Le financement de la plupart des mesures est laissé à «l'ensemble des partenaires engagés». On demande notamment une participation annuelle de 30 millions de Québec et une reconduction d'un programme fédéral qui pourrait rapporter 21 millions.

Quant à la répression, le maire Tremblay a tenu à rappeler qu'il avait expressément demandé à son nouveau chef de police, Marc Parent, d'appliquer une politique de tolérance zéro en matière de profilage social. Cette pratique consiste à justifier l'intervention policière par des signes visibles de pauvreté ou de marginalité.

Présent à la conférence de presse, M. Parent assure faire sienne la philosophie du maire. «Ça fait partie du plan d'affaires que je veux promouvoir. Mais il faut établir ensemble, socialement, ce qu'on tolère ou pas. Il y a des moyens alternatifs d'intervenir, mais à un moment donné, la judiciarisation devient incontournable.»

Il a tout de même souligné avec fierté que le nombre de contraventions qui visaient les sans-abri avait chuté de 30%. Selon les statistiques recueillies auprès du service de police, ce nombre est passé de 2800 en 2008 à quelque 1800 cette année.

Porte-parole des 90 organismes membres du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Pierre Gaudreau estime que le plan de l'administration Tremblay «mérite une bonne note». L'attention portée au logement et l'appel aux gouvernements provincial et fédéral, «il faut saluer ça», dit-il.

«Mais la grosse déception, c'est la déjudiciarisation. Il y a beaucoup de chemin à faire, notamment en revoyant l'existence même de certains règlements. Mais on ne reconnaît même pas qu'il y a du profilage social.»