Adieu musique bavaroise, flots de bière et spectacles heavy metal. Après 43 ans, le bâtiment abritant le Medley, angle Saint-Denis et René-Lévesque, sera démoli pour faire place à une tour de copropriétés.

Après des consultations publiques qui n'ont pas fait de vagues, le conseil de l'arrondissement de Ville-Marie a en effet autorisé la semaine dernière la démolition de l'édifice plus que centenaire. Il sera remplacé dans les prochains mois par un projet domiciliaire - 191 copropriétés et deux commerces au rez-de-chaussée - du promoteur Samcon. Il est évalué à 19 millions. D'une hauteur maximale de 53 mètres, l'immeuble comprendra en outre une centaine de places de stationnement sur quatre paliers.

Le projet a nécessité des modifications mineures au plan d'urbanisme mais en «respecte les principes et orientations», peut-on lire dans le sommaire décisionnel. L'entreprise dispose de 60 mois pour réaliser les travaux, à défaut de quoi le permis lui sera retiré.

Ce dénouement marque la disparition d'un édifice construit en 1908, sans qu'aucun architecte n'en ait apparemment tracé les plans, et qui a connu trois vies. Un commerce de fourrures avec de grandes vitrines rue Saint-Denis a proposé ses pelisses jusqu'en 1967, date à laquelle s'est installé son plus illustre occupant, le Vieux Munich. Sur une scène en rotonde s'y sont produits des orchestres de musique bavaroise pour une clientèle à laquelle on offrait des pichets de bière à un prix dérisoire, pendant près de trois décennies. En 1995, on y a ouvert la salle de spectacle Medley, qui s'est graduellement spécialisée dans la présentation de musique métal et punk.

En novembre 2009, on a annoncé la vente imminente de l'édifice décrépit - des rénovations évaluées à 8 millions auraient été nécessaires - à des promoteurs immobiliers. Un groupe Facebook, qui comptait encore hier 2443 membres, a aussitôt été mis sur pied, d'abord pour sauver l'édifice, ensuite simplement pour le commémorer après sa fermeture le 31 décembre 2009.

De la valeur... comme témoin du passé

La valeur patrimoniale de l'édifice est médiocre, selon les documents de l'arrondissement, tant à «l'intérieur qu' (à) l'extérieur». «Aujourd'hui l'état physique du bâtiment montre des signes importants de vieillissement et de vulnérabilité relativement aux intempéries et au feu. La fermeture de la salle de spectacle l'hiver dernier vient le fragiliser d'autant plus.»

On lui reconnaît néanmoins une certaine valeur historique comme «témoin du tracé et du développement de la rue Saint-Denis, de l'élargissement de la rue Dorchester à l'actuel boulevard René-Lévesque et au développement du commerce de la fourrure à Montréal».

Par contre, son emplacement offre des perspectives nettement plus intéressantes, «au coeur d'un secteur en transformation par la venue du CHUM, entre autres, et où les besoins en logements pour le secteur se feront davantage sentir».

L'édifice, selon le dernier rôle foncier, est évalué à 487 600$, auquel il faut ajouter 2 036 200$ pour le terrain. Le tout a été vendu en décembre 2009 par la firme Divertissement Capella pour la somme de 3,3 millions. Divertissement Capella, dont l'actionnaire principal est le chanteur populaire Garou, l'avait acquis en 2003 et 2004 pour la somme totale de 2,75 millions.

En 2008, Garou s'était retrouvé en plein débat sur la privatisation du système de santé quand on avait appris qu'il souhaitait transformer le Medley en centre de soins privés, un mégaprojet de 100 millions qui est tombé à l'eau.