Trois jeunes hommes ont été fauchés par un train, tôt dimanche matin, à Montréal. Âgés de 17 à 19 ans, ils étaient sous l'échangeur Turcot pour peindre un mur près des rails quand un train de voyageurs en provenance de Toronto les a surpris, vers 3h du matin.

«Cinq jeunes étaient près de la voie quand un train est passé. Deux jeunes sont morts sur la scène, la mort du troisième a été constatée à l'hôpital», explique l'agent Dany Richer, du Service de police de la Ville de Montréal.

«Deux d'entre eux avaient de multiples traumatismes et on ne pouvait absolument rien faire», dit Benoît Garneau, d'Urgences-santé. Les deux amis qui ont survécu ont été soignés à l'hôpital pour un choc nerveux.

Le SPVM n'a pas révélé l'identité des victimes, dont les voitures étaient encore garées près des lieux de l'accident, dimanche matin. À l'intérieur, on pouvait voir des canettes de bière, des bombes de peinture ainsi qu'une planche à roulettes. Une croix de bois a été déposée près des roues arrière des véhicules. Les voitures ont été enlevées plus tard au cours de l'après-midi par des proches, qui n'ont pas donné de commentaires aux médias.

Le train arrivait de Toronto avec 45 passagers à bord quand il a happé les jeunes hommes. L'alerte a immédiatement été donnée. «Pour nous, la sécurité, c'est prioritaire. Mais clairement, notre message ne passe pas. Les événements sont un triste rappel que l'on ne considère pas les rails comme un endroit dangereux», regrette Elizabeth Huart, de VIA Rail.

Triste ironie, le train arrivait à Montréal avec trois heures de retard en raison d'une autre mort, sur une voie ferrée à Toronto, plus tôt dans la soirée. Les passagers du train ont ensuite été amenés à la gare centrale par autobus.

Réactions

Chez les graffiteurs, la nouvelle a suscité des réactions sur l'internet. Plusieurs ont affirmé à La Presse que deux des victimes étaient connues sous le nom de Jays et Aber. Au début de l'après-midi, une vidéo hommage à Jays a été mise en ligne sur YouTube.

Si le milieu des graffiteurs à Montréal n'est pas homogène, les signatures sont toutefois bien connues des uns et des autres. Ainsi, Jays et Aber pratiquaient le graffiti dans des endroits illégaux. «Ils étaient dans la scène illégale, ils faisaient beaucoup de bombing», dit Arthur *, graffiteur actif.

En une ou deux années de pratique, ces jeunes graffiteurs ont acquis une réputation à Montréal parmi leurs pairs. «Ils n'étaient pas des débutants, mais comme ils étaient dans l'illégal, ils faisaient surtout des choses rapides, sur les autoroutes ou au coin des ruelles», dit Alexandre, graffiteur.

Les jeunes hommes étaient originaires de Notre-Dame-de-Grâce, selon Alexandre, qui les a déjà croisés à proximité de l'échangeur Turcot, lieu prisé des graffiteurs pour ses grands murs, sa forte visibilité et son accessibilité. «Ce n'est pas un endroit qu'on considère comme dangereux, ce n'est pas comme monter sur des ponts ou des édifices», dit-il.

Trop de répression?

Lors d'une entrevue accordée à La Presse au cours de l'été, Raymond Carrier, responsable du dossier graffitis à la Ville de Montréal, a noté que si la chasse aux graffitis entamée il y a cinq ans avait fait ses preuves au centre-ville, les graffiteurs se déplaçaient maintenant en périphérie, près des ponts et des autoroutes.

Selon Raymond Viger, directeur général et artistique du Café-Graffiti, l'accident illustre bien le problème que pose le peu de murs mis légalement à la disposition des graffiteurs. «Plus il y a de la répression, plus on tasse le reste ailleurs. C'est comme la prostitution: on finit par les envoyer dans des endroits moins sûrs, dit-il. C'est important qu'on soit près des jeunes et qu'on leur donne les moyens de s'exprimer, pour briser l'isolement entre les différentes générations.»

Un graffiteur souligne lui aussi l'importance, dans le graffiti illégal, de bénéficier des conseils des artistes avertis. «C'est triste que ça se passe comme ça, les jeunes n'étaient pas bien entraînés», dit-il.



* À leur demande, nous avons changé le prénom des graffiteurs qui souhaitent conserver l'anonymat.