Les serveuses du restaurant Les Princesses d'Hochelaga ont l'habitude de servir leurs clients dans leur plus simple appareil. Elles pourraient toutefois devoir se rhabiller si l'on en croit un jugement de la Cour supérieure rendu le 25 octobre.

Dans une cause opposant la Ville de Montréal au propriétaire du commerce, la juge France Charbonneau conclut que le lieu n'est pas un simple restaurant, mais plutôt un «établissement exploitant l'érotisme» selon les règlements municipaux.

Toute l'histoire a commencé le 19 octobre 2005. Ce jour-là, un inspecteur s'est rendu au restaurant situé tout près du Stade olympique, rue Hochelaga.

Ce qu'il y découvre est minutieusement détaillé dans le jugement. Devant la porte, une pancarte interdit l'entrée aux mineurs. À l'intérieur, des photos de femmes nues ornent les murs. Il y a quatre télévisions, dont trois diffusent des films pornographiques.

Plus important encore, des serveuses dénudées assurent le service aux tables. Elles ont les seins nus et «ne portent qu'un petit foulard transparent autour de la taille, laissant leurs organes génitaux bien à la vue».

Le hic, c'est que le restaurant n'est pas dans une zone où l'exploitation de l'érotisme est permise. À Montréal, ces lieux sont désignés par un règlement. La cause a donc été portée une première fois devant la cour municipale.

Devant le juge Évasio Massignani, les avocats qui représentent le propriétaire font valoir que le restaurant Les Princesses d'Hochelaga n'est pas un «établissement exploitant l'érotisme», mais plutôt un restaurant comme les autres «ayant comme accessoire des serveuses qui sont légèrement vêtues».

En décembre 2009, la cour municipale a donné raison au propriétaire Gaétan Thomas. La Ville de Montréal a toutefois porté la cause en appel. Dans son jugement, la juge Charbonneau note plusieurs «erreurs de droit et dans l'interprétation des faits» dans les conclusions du tribunal municipal.

Elle n'a pas accepté la prétention de la défense, qui soutient que l'exploitation de l'érotisme aux Princesses d'Hochelaga est un usage accessoire. «L'utilisation de serveuses nues et la présentation de films pornographiques sont les attractions principales qui poussent les clients à aller à cet établissement», conclut la Cour supérieure.

«Ce n'est plus la nourriture qui fait la réputation de l'établissement», poursuit-elle.

Le site internet du restaurant - où l'on souhaite la «bienvenue aux touristes, aux chasseurs et aux pêcheurs» - ne détaille d'ailleurs pas le menu. On y trouve néanmoins des photos des serveuses nues.

Devant la cour municipale, M. Thomas avait expliqué qu'il avait déjà demandé à ses serveuses de se vêtir. Mais chaque jour, dès qu'ils les voyaient habillées, une trentaine de clients se «retournaient de bord» aussitôt. Après deux semaines, les serveuses étaient nues de nouveau. «J'aurais fait faillite» sinon, a plaidé M. Thomas.

La Cour supérieure a donc déclaré le propriétaire coupable d'avoir contrevenu au règlement d'urbanisme de l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve en «exploitant l'érotisme» dans un endroit où c'est illégal.

Joint par La Presse, le propriétaire a expliqué qu'il ignorait toujours s'il allait en appeler du jugement. Pour l'instant, les serveuses continuent d'y travailler dans la même tenue qu'avant et les clients sont nombreux, dit-il.

Du côté de la Ville de Montréal, on se réjouit des conclusions de la Cour supérieure. «Ce jugement met un terme à une situation illégale qui perdure depuis l'ouverture du restaurant Les Princesses en 1998», note Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville.

«La volonté de Montréal est uniquement de faire respecter sa réglementation, sans poser de jugement de valeur sur le type d'activité exercée par le restaurant, d'autant plus que cela est permis dans certains secteurs», dit-il.

M. Nunez note aussi que le jugement «empêche que d'autres restaurateurs décident d'exploiter l'érotisme en se basant sur le jugement du juge Évasio Massignani».