La firme Construction Louisbourg, embauchée par l'Agence métropolitaine de transport (AMT) dans le cadre de l'aménagement du train de l'Est, a abattu et réduit en copeaux plusieurs centaines d'arbres dans le parc-nature de la Pointe-aux-Prairies, sans aucune supervision du personnel du Réseau des grands parcs de Montréal.

En entrevue à La Presse, un architecte paysagiste de la Ville de Montréal, Paul-André Cloutier, a qualifié d'«un peu cavalière» l'attitude de la firme de construction, qui réalisait ces travaux en prévision d'un important chantier prévu pour l'an prochain sur les voies ferrées qui traversent le parc de conservation.

Le déboisement a été entrepris le 15 novembre dernier. Un superviseur à l'entretien du parc-nature a découvert l'ampleur des dégâts le lendemain, au cours de sa ronde. Il a immédiatement ordonné l'arrêt des travaux et l'enlèvement de la machinerie lourde.

La Presse s'est rendue sur place une semaine plus tard. Le long du sentier de vélo et de randonnée du Bois-de-la-Réparation, les copeaux étaient entassés sur des dizaines de mètres dans les clairières de forêt décimée, couvertes d'ornières laissées par les roues des véhicules lourds.

Diane Légaré et Gilles Francoeur, un couple de retraités qui fait chaque jour une marche de santé dans ce parc habituellement paisible, se sont dits dégoûtés par ce déboisement «sauvage».

«Regardez ce qu'il ont fait. Normalement, on ne voit pas l'autoroute d'ici», dit Mme Légaré en montrant une bande complètement déboisée large de 8 m et recouverte d'une épaisse couche de débris de coupe, entre le sentier et l'autoroute 40.

De l'autre côté de la voie ferrée, dans le Bois-de-L'Héritage, la dévastation est encore pire. Une percée d'environ 150 m de profondeur et large d'une dizaine de mètres apparaît dans le bois.

Cette intervention brutale ne laisse rien présager de bon pour les gros travaux à venir, a laissé entendre M. Cloutier. «L'AMT voulait faire quelque chose de très vert avec ce projet, mais elle a complètement raté le coche», dit-il. Selon lui, les travaux ne reprendront pas sans la présence des responsables du parc de la Pointe-aux-Prairies et du Réseau des grands parcs de Montréal.

Sentier et passerelle

Ces travaux de déboisement ont été réalisés dans le cadre d'un contrat de près de 3 millions de dollars attribué à la firme Louisbourg pour l'aménagement d'un nouveau sentier et la construction d'une passerelle afin de raccorder les sentiers du parc situés de part et d'autre de l'A40, dans l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

La construction de cette nouvelle passerelle est rendue nécessaire par la mise en service du train de l'Est, prévue pour 2012. Ce train de banlieue reliant Montréal et Mascouche utilisera le viaduc ferroviaire du CN pour traverser l'A40. Le passage piétonnier actuel, sur ce viaduc, devra donc être supprimé.

De plus, en raison du doublement des voies ferrées dans le parc-nature et de l'augmentation du nombre de trains, les sentiers qui croisent le chemin de fer passeront désormais sous les voies ferrées, entraînant la construction d'un pont ferroviaire au beau milieu d'un parc de conservation.

L'impact de travaux d'une telle ampleur sur un milieu aussi fragile avait été anticipé par le Réseau des grands parcs de la Ville de Montréal. Depuis deux ans et demi, l'AMT et les professionnels du parc-nature ont tenu de nombreuses rencontres préparatoires afin de limiter les effets indésirables.

Dans ce contexte, estime Paul-André Cloutier, les incidents des dernières semaines n'en sont que plus surprenants.

«Il y a eu un sérieux manque de communication», déplore-t-il.

À l'AMT, on assure que la chargée de projet de la Ville de Montréal qui a pour mandat d'informer les services municipaux concernés a été prévenue des travaux de déboisement quatre jours à l'avance.