Son parcours comme éditeur n'a laissé personne indifférent; son passage à la politique aura sans doute le même effet. Michel Brûlé ne vise rien de moins que la mairie de Montréal en 2013, avec un programme qu'il qualifie de «révolutionnaire».

Joint par La Presse à Donetsk, en Ukraine, où il est en vacances, il a confirmé sans détour la rumeur concernant son ambition de diriger la métropole québécoise. «Oui, c'est quelque chose qui m'intéresse. Pour servir le Québec, je suis même prêt à y aller gratuitement.»

M. Brûlé, considéré à ses débuts, en 1993, comme le mouton noir de l'édition québécoise, compte de toute évidence jouer la carte de l'audace pour séduire les Montréalais. Sa première cible: le nombre «ridicule» d'élus dans l'île, 218 au total. «Je voudrais qu'il y ait un maximum de 30 conseillers. À New York, il y en a 45; à Toronto, il y en a 51.»

«On est loin d'avoir les leaders qu'on mérite», estime le propriétaire des Éditions des Intouchables. Il veut se présenter comme candidat indépendant à la mairie, jugeant que les partis traditionnels et le parlementarisme sont «désuets». «Ils se sont pervertis. La fameuse ligne de parti, c'est une atteinte à la démocratie. Et on se rend compte que c'est un véritable cirque.»

Il propose de «mettre fin au parlementarisme» en obligeant chaque élu à rendre des comptes aux citoyens une fois par semaine à la télévision. Même chose pour l'attribution des contrats, qui devra être filmée et annoncée à l'écran. «Et qu'on mette fin aux enveloppes secrètes, aux budgets discrétionnaires», dit-il.

De la bière et des projets

Le coloré entrepreneur s'anime encore plus quand il parle du Montréal qu'il souhaite pour ses habitants. Celui qui se décrit comme un «globe-trotter et polyglotte qui maîtrise huit langues» souhaite faire de la métropole un lieu «convivial, cosmopolite et francophone».

«Dans n'importe quelle ville d'Allemagne, tu peux boire de la bière dans la rue, dans le métro, partout. Il faut de l'animation dans une ville, il faut que les gens se sentent libres. S'il y a des interdits partout, ça ne marche pas. Montréal est une ville très individualiste. Dans les parcs, il pourrait y avoir des terrasses administrées par la Ville, on pourrait vendre de la bière, mettre de la musique.»

Les idées déferlent à l'autre bout du fil. Il rêve d'un quartier des Amériques, où «on reproduirait les plus grandes places d'Amérique du Sud, des éléments de Mexico, de Buenos Aires, de Bogota».

«Et pourquoi ne pas faire une reproduction de la place Rouge?» ajoute-t-il. Le Christ rédempteur, emblème de Rio de Janeiro, a déjà une réplique à Lisbonne. «Pourquoi il n'y en aurait pas une sur le mont Royal? Montréal devrait célébrer son cosmopolitisme.»

Grand défenseur des transports en commun, il souhaiterait mettre sur pied un système national de covoiturage, où chauffeurs et passagers communiqueraient grâce à leur code postal. Pour offrir plus de services aux Montréalais, il s'inspire de ce qu'il a vu dans les ex-républiques d'Union soviétique. «C'est là qu'ils ont les transports en commun les plus efficaces. Ils n'ont pas seulement des autobus, ils ont ce que les Roumains appellent des microbus - des fourgonnettes. C'est beaucoup moins cher, ça va vite, ça avance.»

Il égratigne au passage Projet Montréal, le deuxième parti de l'opposition à l'hôtel de ville, qu'il considère comme «fanatique». «Je ferais tout pour aider les commerçants. Projet Montréal se fout de les voir crever tous. Je ne suis pas pour les autos, je suis pour la cohabitation. Contrairement à Projet Montréal, je ne veux pas rendre la vie impossible aux automobilistes.»

Le PQ dans la ligne de mire

L'auteur du brûlot Anglaid, dans lequel il pourfendait la langue anglaise, ne se montre pas très tendre envers la minorité anglophone de Montréal -dont il n'espère pas les votes, avoue-t-il. Lui qui habite depuis un an à Québec estime goûter maintenant «à la normalité». «Quand je reviens à Montréal, je me rends compte que l'énergie est très conflictuelle. Et ce n'est pas normal qu'elle soit dans un contexte linguistique aussi vague. Je veux que Montréal devienne une ville francophone, ouverte sur le monde.»

Michel Brûlé s'attelle actuellement à la rédaction d'un livre qui résumera ses projets politiques, intitulés 25 mesures pour améliorer le Québec, qu'il compte lancer au début du mois de mars prochain. Comment compte-t-il financer sa campagne et mobiliser les électeurs? Celui qui se décrit comme «un gars de terrain» espère surtout convaincre par le contact personnel. «Quelqu'un qui arrive avec des idées révolutionnaires comme les miennes peut-il aller chercher plus de mobilisation? Je pense que oui.»

Et si l'aventure à la mairie de Montréal échoue, il se réserve une porte de sortie: la politique provinciale. «Si jamais il y a des élections à la direction du Parti québécois, je suis prêt à me lancer. Je ne sais pas si c'est Paul Piché qui a inventé cette formule, mais je l'adopte: en politique, on est là pour servir ou pour se servir. Je veux servir.»