La SQ et le ministère des Affaires municipales enquêtent sur des allégations de fraude et de conflit d'intérêts autour d'un programme de subventions pour les commerces de Boisbriand, qui visent la mairesse, Marlène Cordato, et son mari, Louis Kemp, a appris La Presse.

Au moins une plainte formelle a été portée en octobre 2009 auprès de la police locale contre Louis Kemp. Un enquêteur de la régie de police Thérèse-De Blainville a interrogé des témoins, puis a déféré le dossier, par souci de transparence, à l'escouade Marteau de la SQ. La SQ, de son côté, ne veut «ni confirmer ni infirmer» quoi que ce soit.

Les agissements de Marlène Cordato dans ce dossier sont aussi l'objet d'une vérification de la part du ministère des Affaires municipales. La porte-parole Émilie Lord confirme que le Ministère s'intéresse à Boisbriand à la suite de plaintes, mais elle ne veut pas confirmer si ces vérifications visent le dossier Cordato et Kemp. «Nous sommes dans la phase d'analyse; il devrait avoir des développements en janvier 2011», a-t-elle dit à La Presse.

Les faits se seraient produits en 2009, dans les semaines qui ont précédé l'élection de Marlène Cordato au poste de mairesse. Elle était alors conseillère dans l'opposition.

M. Kemp aurait présenté au service de l'urbanisme de Boisbriand, pour le compte de commerçants, des demandes de subvention considérées comme gonflées.

Quant à sa femme, on lui reproche de ne pas s'être retirée du conseil lors de discussions et du vote de résolutions traitant du programme de rénovation des enseignes.

Louis Kemp, qui dirigeait la campagne électorale de sa femme, est le dirigeant unique de Gesport, une entreprise spécialisée dans la vente et l'installation d'enseignes.

En plus de ses fonctions d'élue, Mme Cordato occupait alors un poste de direction à l'Association québécoise de l'industrie de l'enseigne (AQIE). Ce regroupement, qui n'est pas un lobby, selon elle, partageait les bureaux de Gesport.

En avril 2009, la Ville de Boisbriand a mis en place un programme de subvention destiné aux commerçants du centre-ville qui souhaitaient changer leur enseigne. L'aide financière accordée par la Ville est de 50 % maximum du coût des travaux admissibles.

Bien avant que ce programme ne soit entériné, Louis Kemp a proposé ses services à plusieurs commerces du quartier ciblé. Il a ensuite présenté au moins cinq demandes de permis et de subvention à la Ville.

Des devis gonflés?

Au même moment, des fonctionnaires de la Ville ont reçu des renseignements, et même une plainte, selon lesquels ces devis étaient surestimés. Selon les dénonciateurs, la manoeuvre visait à combler en totalité ou en partie la différence entre la subvention et le coût des travaux.

La Presse a retrouvé un des commerçants concernés. M. Kemp lui aurait demandé un prix «exorbitant», dit-il, environ 4000 $, pour nettoyer ses enseignes et recouvrir de bois un poteau de ciment.

«J'ai arrêté ça là et j'ai tout fait moi-même, dit Luc El Saati. Ça m'a coûté 50 $ de bois.»

Selon les documents administratifs consultés par La Presse, Louis Kemp avait demandé une subvention de 8100 $, soit le double, pour ce commerce. M. Kemp assure que c'est le prix qu'il a soumis à M. El Saati.

Le 24 septembre 2009, un fonctionnaire de la Ville a annoncé lors d'une séance plénière du conseil municipal qu'il retenait les dossiers de Louis Kemp, y compris celui cité plus haut, le temps de procéder à des analyses comparatives. Le lendemain matin, Louis Kemp s'est présenté au service de l'urbanisme pour retirer ses demandes.

Marlène Cordato a défait Sylvie St-Jean à la mairie au terme d'une campagne agitée. Le 28 septembre 2009, Louis Kemp a été attaqué à son domicile par trois individus. Sa femme a lié cette agression à la campagne électorale. Le dossier a été fermé par la police, indique Louis Kemp.

D'autre part, l'émission Enquête de Radio-Canada a diffusé un enregistrement audio d'une rencontre tenue au printemps 2009. On y entend l'entrepreneur Lino Zambito, d'Infrabec, qui tente de convaincre Marlène Cordato de ne pas se présenter contre la mairesse St-Jean: «Moi, je suis là pour éviter des élections à Boisbriand, puis crisse, tout le monde garde leurs jobs», l'entend-on dire.

Infrabec a obtenu au cours des cinq dernières années la grosse part des contrats à Boisbriand. Elle a aussi obtenu un contrat de près de 30 millions de dollars pour la rénovation de l'usine d'épuration après avoir été la seule entreprise soumissionnaire.