Le nouveau projet de reconstruction de l'échangeur Turcot ne passe pas mieux que sa version originale, dans le sud-ouest de Montréal, où la population locale réclame encore des mesures pour réduire la circulation automobile et améliorer l'intégration urbaine du plus gros carrefour autoroutier au Québec.

À l'occasion d'une présentation publique du projet qui a attiré plus de 300 personnes, lundi soir, dans un centre communautaire du quartier Saint-Henri, des représentants du ministère des Transports du Québec (MTQ) ont été bombardés de critiques et hués à maintes reprises par une foule bruyante, mais disciplinée.

Malgré une tension perceptible dans la salle, cette séance de plus de trois heures n'a donné lieu à aucun débordement d'agressivité.

Inauguré en 1967, dans le sud-ouest de la métropole, l'échangeur Turcot relie entre elles les autoroutes Décarie (A-15), du Souvenir (A-20) et Ville-Marie (A-720). Usées par les intempéries, les sels de déglaçage et par une circulation estimée à environ 290 000 véhicules par jour, dont 30 000 camions, ses hautes structures de béton qui culminent à 30 mètres du sol, sont en fin de vie utile. Le  directeur de la Direction territoriale de Montréal, Bernard Caron, a affirmé, lundi, qu'il sera impossible d'assurer l'intégrité de l'ouvrage au-delà de 2017, même si on investit des dizaines de millions de dollars par année dans sa préservation.

Pour le remplacer sans trop perturber la circulation, le MTQ a proposé de construire un nouvel échangeur à côté des structures actuelles qui resteront en service jusqu'à la fin des travaux. Une grande partie du nouvel échangeur sera aménagé en talus et en remblais plutôt que sur des structures de béton.

Toutes les bretelles actuelles seront maintenues. Dès sa mise en service, prévue pour 2018, les débits de circulation dépasseraient 300 000 véhicules par jour sur le nouvel ouvrage, selon les prévisions du MTQ.

Critiques

Plusieurs des intervenants qui se sont succédé au micro, lundi soir, ont reproché au ministère de n'avoir pas misé sur le développement des transports en commun afin de favoriser les déplacements et permettre une réduction de la capacité de circulation automobile dans le nouvel échangeur.

Un organisateur communautaire au CRSSS Sud-Ouest-Verdun, M. Denis Lévesque, a ainsi demandé au MTQ «pourquoi, avec un budget qui est passé de 1,5 à 3 milliards $, n'a-t-on pas tout de suite réservé les sommes nécessaires à la réalisation du Train de l'Ouest», un projet de train de banlieue réclamé à cor et à cri dans l'ouest de l'île de Montréal.

Selon le chef du bureau de projet Turcot au MTQ,   Alain-Marc Dubé, des simulations réalisées par le ministère ont démontré que même en «améliorant de manière extrême» les services de transports collectifs, le trafic automobile aurait diminué d'environ 5000 véhicules par jour. Une telle diminution serait insuffisante pour permettre une réduction de la capacité de circulation dans l'échangeur, a-t-il assuré.

Quant au Train de l'Ouest, a-t-il ajouté, «c'est un projet qui suit son propre échéancier de mise en oeuvre, et qui est déjà dans la programmation de l'Agence métropolitaine de transport». Le financement du projet estimé à près d'un milliard de dollars, par le MTQ, n'est toutefois pas assuré.

Un résidant du quartier, Derek Robertson, a pour sa part ironisé sur le fait que «le MTQ protègera mieux les serpents que les résidants du Sud-Ouest», en soulignant que le décret de réalisation oblige le ministère à sauvegarder l'habitat des couleuvres brunes tout en autorisant la démolition de plus d'une centaine de logements, pour les fins du projet.

Le militant écologiste Daniel Breton, du groupe Maître chez Nous au XXIe siècle (MCN21) a pour sa part souligné les contradictions entre le projet Turcot et l'objectif du gouvernement du Québec de réduire de 20% les gaz à effet de serre, responsables des changements climatiques, d'ici 2020.

Au Québec, plus de 40% des émissions de GES proviennent des activités de transport.