Dans la division, les élus du Plateau-Mont-Royal ont donné leur accord lundi au projet d'agrandissement d'une synagogue rue Hutchison, soulevant l'ire de plusieurs citoyens.

La Congrégation Gate David veut agrandir depuis des années sa synagogue située au 5363, rue Hutchison. La démarche a toutefois des allures de chemin de croix: le projet est contesté par des résidants du secteur et a même fait l'objet d'un procès en Cour supérieure.

Conscient de s'attaquer à un sujet délicat, l'arrondissement a donc tenté hier de couper la poire en deux. Il a accédé en partie aux demandes de la Congrégation, acceptant que la synagogue soit agrandie mais moins que ses dirigeants ne l'espéraient.

Même amendée, la proposition a divisé les élus au conseil d'arrondissement, tous de Projet Montréal. Trois conseillers sur six ont voté contre. Le maire Luc Ferrandez a donc dû trancher, votant en faveur de l'agrandissement.

«Nous avons repoussé cette décision-là à plusieurs reprises, a dit M. Ferrandez. Mais nous espérons avec cette proposition inaugurer une nouvelle ère qui va mener à la tolérance et à la paix dans la rue Hutchison.»

La question des synagogues rue Hutchison a fait couler beaucoup d'encre au cours des dernières années. Sans surprise, plusieurs citoyens s'étaient déplacés hier au conseil d'arrondissement pour «protéger le caractère résidentiel de leur rue».

Le plus connu des opposants, Pierre Lacerte, a dénoncé les nombreux passe-droits dont bénéficient selon lui les synagogues du secteur. Le résidant de la rue Hutchison est présentement devant les tribunaux. Michael Rosenberg, leader de la communauté hassidique, cherche à empêcher M. Lacerte de s'approcher de lui et de sa famille, disant craindre pour sa sécurité. M. Lacerte, qui tient un blogue, estime quant à lui qu'il s'agit d'une poursuite-bâillon.

«Cette synagogue amène un ballet d'autobus inter-cités dans notre rue et c'est complètement illégal, a dénoncé M. Lacerte. L'agrandissement va juste empirer la situation.»

Le conseiller Alex Norris, qui a voté en faveur du projet, estime quant à lui que la synagogue n'est pas délinquante. «Il faut comprendre que c'est une très vieille synagogue, l'une des plus anciennes de Montréal, qui a presque 60 ans, explique-t-il. Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'une synagogue toute récente qui se serait installée dans l'illégalité, par exemple.»

Un conflit qui traîne

L'agrandissement de la synagogue est au coeur d'un litige depuis des années. En 2008, la Congrégation avait reçu un premier feu vert de l'arrondissement. Des résidants de cette artère à la frontière du Plateau et d'Outremont avaient toutefois demandé l'ouverture d'un registre pour faire dérailler le projet: ils jugeaient que le caractère résidentiel de leur rue allait pâtir de l'agrandissement.

Les opposants avaient besoin de 133 signatures pour imposer la tenue d'un référendum. Seules 81 personnes s'étaient déplacées pour signer le registre. Se sentant floués, des opposants outremontais habitant du côté ouest de la rue Hutchison avaient demandé d'avoir leur mot à dire. Le Plateau faisait valoir qu'habitant l'arrondissement voisin, ils n'avaient pas le droit de signer le registre. L'affaire a abouti devant les tribunaux.

En juillet 2009, la Cour supérieure a tranché en faveur des opposants. La juge Hélène Le Bel concluait que l'arrondissement aurait dû consulter les voisins de la synagogue habitant du côté outremontais de la rue. Le processus a été ramené à la case départ.

L'arrondissement a donc adopté le projet d'agrandissement une nouvelle fois hier. Les citoyens peuvent donc maintenant demander la tenue d'un registre, qui pourrait déboucher à un référendum.

«C'est ce qu'on entend faire, a dit M. Lacerte. On ne va pas laisser tomber maintenant.»