Le pont Champlain est dans un tel état de dégradation qu'il faudrait reconstruire tout son tablier, travée par travée, ce qui entraînerait la fermeture complète de voies de circulation et aurait des conséquences catastrophiques pour Montréal.

Dans un rapport commandé par la société Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI), un consortium d'ingénieurs estime qu'une «analyse sismique a démontré un manque substantiel de résistance» et que la réhabilitation du tablier du pont est devenue «une intervention quasiment incontournable après tant d'années de service».

Or, selon un expert dont nous devons taire le nom, il est impossible de reconstruire les travées du pont Champlain sans fermer au moins trois de ses six voies pendant des périodes prolongées, parce que les semelles supérieures des poutres qui le soutiennent font partie intégrante du tablier. La fermeture simultanée de plusieurs voies entraînerait d'immenses embouteillages qui nuiraient au transport des marchandises et réduiraient considérablement la mobilité des gens.

Le rapport que La Presse a obtenu, qui doit être remis d'ici à la fin du mois au ministre fédéral des Transports, Chuck Strahl, se garde toutefois de recommander officiellement la construction d'un nouveau pont, afin de ne pas forcer la main au gouvernement fédéral.

Sécuritaire, mais fragile

Le pont Champlain ne pose pas de problème de sécurité, mais il est néanmoins fragile. Il ne répond pas aux normes sismiques, souligne le rapport synthèse, intitulé Étude de préfaisabilité portant sur le remplacement de l'actuel pont Champlain.

«Une analyse sismique a démontré un manque substantiel de résistance, même en ne tenant pas compte du degré de détérioration des piles», indique la version préliminaire du rapport, datée du 15 octobre dernier. «La superstructure de béton du pont Champlain actuel, qui représente près de 80% de la longueur totale du pont, a cette particularité que les semelles supérieures des poutres font partie du tablier. La détérioration du tablier se traduit alors par une détérioration des semelles des poutres. La réhabilitation du tablier, une intervention quasiment incontournable après tant d'années de service, impliquerait une reconstruction complète de toutes les travées.»

Dans le cas des ponts Jacques-Cartier et Honoré-Mercier, il est possible de remplacer les tabliers en découpant des dalles relativement petites, que l'on remplace par d'autres, faites sur mesure. Ainsi, la reconstruction du tablier du pont Jacques-Cartier, qui a pris trois ans au début des années 2000, n'avait entraîné que des contraintes minimes à la circulation puisque les travaux s'étaient faits de nuit.

PJCCI, qui relève du ministère fédéral des Transports, a entrepris des travaux de 212 millions de dollars en 10 ans sur le pont Champlain, mais il ne s'agit là que de rapiéçage.

«Le consortium (d'experts) a analysé les coûts impliqués pour (l') entretien (du pont), note le rapport. Des dépenses annuelles de l'ordre de 20 millions pendant les dix prochaines années, avec un accroissement constant, seraient nécessaires afin de prolonger sa vie, sans pour autant rehausser son niveau de performance sismique et réhabiliter son tablier.»

Le consortium - formé des firmes BPR, CIMA, Dessau et Egis - estime à 155 millions de dollars le coût d'une éventuelle démolition. «La démolition consisterait essentiellement en un démantèlement successif des travées, en tenant principalement compte de l'exploitation de la voie maritime, des restrictions environnementales et de la période hivernale», indique le rapport.