Le nouveau pont Champlain, s'il est construit, sera au moins deux fois plus large que le pont actuel, même s'il comptera seulement deux voies de plus, qui seront réservées aux transports en commun.

Selon le rapport d'étude obtenu par La Presse, le nouvel ouvrage aurait trois voies de 3,7 m de largeur chacune, dans chaque direction, pour répondre aux nouvelles normes de conception routière, et des accotements de 3 m pouvant servir de «bande d'arrêt d'urgence», en plus du couloir réservé aux transports collectifs.

«À cause de la largeur totale requise dans chaque direction, indique le rapport, les ingénieurs de pont ont indiqué qu'un tablier unique serait beaucoup trop large et que chaque direction devra faire l'objet d'un tablier séparé. (...) L'ensemble résulte en un tablier de 23,82 mètres pour chacune des deux directions; il est intéressant de souligner ici que chacun de ces tabliers sera plus large que le pont actuel au complet (23,20 mètres).»

Le nouveau pont serait construit à au moins 10 m en aval de l'ouvrage actuel, qu'il longerait de la Rive-Sud jusqu'à L'Île-des-Soeurs. Un tel tracé permettrait de réduire les travaux de réaménagement des voies d'accès au pont actuel et de limiter les expropriations pour le nouveau pont.

Les consultants de la société Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée ont aussi étudié la possibilité de faire passer de trois à quatre le nombre de voies de circulation dans chaque direction. Ils estiment que «ce n'est pas une solution à retenir». Une telle configuration exigerait que l'autoroute 15, qui alimente le pont du côté de Montréal, soit élargie à six voies, ce qui entraînerait des coûts énormes et des impacts sur la circulation dans l'ensemble de ce secteur.

«Cette quatrième voie ne permettrait pas d'améliorer les conditions de circulation sur cet axe autoroutier, et le niveau de service demeurerait le même, tout en entraînant des transferts non négligeables de la circulation depuis les autres ponts», concluent les auteurs.

Pont ou tunnel?

Le rapport ne recommande formellement ni la construction d'un nouveau pont ni un type d'ouvrage en particulier pour remplacer le pont Champlain. La construction d'un tunnel n'est même pas complètement écartée, même s'il apparaît assez clairement que ce scénario aurait des désavantages.

Le rapport propose cinq types de pont différents sur le plan architectural et énumère les avantages et désavantages de chacun en matière de délais et de complexité de construction. Le coût de conception et de construction d'un ouvrage type est estimé à environ 1,3 milliard de dollars; il varie de plus ou moins 10% selon les options proposées.

Cette estimation exclut toutefois un grand nombre de travaux qui devront être réalisés sur le réseau actuel, comme le remplacement du pont de L'Île-des-Soeurs ou la réfection de l'autoroute 15 entre L'Île-des-Soeurs et l'échangeur Atwater. Les coûts de gestion de projet, les nombreuses études à réaliser sur différents équipements, la construction du centre de contrôle des «systèmes de transports intelligents» qui seront implantés sur l'ouvrage ou la réfection de l'estacade qui longe le pont Champlain s'ajouteront aussi à cette facture.

Le journal Le Devoir a affirmé récemment que ces ajouts pourraient faire passer les coûts globaux du projet à quelque 6 milliards de dollars. Le rapport obtenu par La Presse n'évoque pas cette hypothèse.

Quatre types de tunnel sont aussi examinés par les auteurs. Ils déconseillent d'emblée le forage d'un tunnel sous le lit du fleuve, car il serait alors impossible de relier les sorties de cet ouvrage à L'Île-des-Soeurs, à l'autoroute Bonaventure et à la route 132. Un tunnel sous-fluvial formé de plusieurs caissons immergés (comme le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine) entraînerait pour sa part «la destruction d'écosystèmes terrestres et fluviaux dans la pointe nord de L'Île-des-Soeurs et des risques de pollution des eaux du Saint-Laurent».

La solution d'un tunnel à faible profondeur construit entre des batardeaux apparaît la plus avantageuse. Son coût est sommairement estimé à un peu plus de 2 milliards de dollars, soit 50% de plus que le coût estimé d'un pont. De plus, en raison de la réglementation actuelle qui interdit la circulation des matières dangereuses (carburants, acides, produits chimiques) dans un tunnel au Québec, un très grand nombre de camions seraient détournés vers d'autres ponts, ou d'autres accès à l'île de Montréal. Pour les camions qui sortent du port de Montréal, entre autres, une telle interdiction de circuler dans l'axe du pont Champlain les forcerait à emprunter le pont Jacques-Cartier, une solution jugée «illogique» en milieu fortement urbanisé.

«Le seul autre itinéraire de remplacement serait vers l'ouest par l'autoroute 40, et la nouvelle autoroute 30, via Valleyfield, un détour de quelque 90 kilomètres», précise l'étude.