Dans la division, le conseil municipal a demandé mardi au ministère des Affaires municipales de décider du sort du vérificateur général de Montréal. Une façon de «se débarrasser de la patate chaude», a accusé l'opposition.

La motion, adoptée par 35 voix contre 23, demande au ministre Laurent Lessard de «décider des suites à donner dans le cas du vérificateur à l'égard des gestes qui lui sont reprochés». Elle prévoit aussi que Montréal envoie à Québec le rapport de deux pages du comité de vérification qui détaille les «irrégularités» qu'aurait commises le vérificateur général. Le Ministère pourra ensuite faire ses recommandations au conseil, qui pourra alors se prononcer.

«Le débat est rendu beaucoup trop loin et est empreint d'une telle intensité qu'il ne pourrait qu'être accusé d'être partisan», dit le texte de la motion.

Mais les membres de l'opposition, qui ont voté contre, estiment que le conseil municipal n'aurait jamais dû se départir de ses responsabilités. Plusieurs d'entre eux assimilent d'ailleurs la décision à une mise sous tutelle de Montréal.

«En vertu de quoi commettrait-on un tel déni de droit? a demandé la chef de Vision Montréal, Louise Harel. Selon la loi, le vérificateur ne relève que du conseil. Pour qu'il soit démis, il faut un vote aux deux tiers. Je crois que c'est parce que le maire et son équipe ne détiennent pas les deux tiers des voix dans cette salle qu'ils envoient le dossier à Québec.»

La motion précise que le vérificateur a commis des «gestes sérieux de nature à entacher sa fonction». Ce libellé «pousse cette farce grossière un peu plus loin, a dénoncé le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. Cette motion est indigne de la fonction du vérificateur général et de la personne de Jacques Bergeron, jusqu'à preuve du contraire.»

Le vérificateur se défile, selon le maire

Au-delà du débat sur le rôle de Québec, c'est l'absence du vérificateur à cette séance du conseil qui a fait des remous. Le président du conseil municipal, Claude Dauphin, l'avait invité à venir s'adresser aux élus. Jacques Bergeron a annoncé tôt mardi qu'il refusait de le faire.

Dans une lettre adressée aux élus en matinée, Jacques Bergeron explique que sa présence cautionnerait les «gestes illégaux» dont il a été victime, notamment l'interception de milliers de ses courriels. Il déplore que l'invitation qu'il a reçue lui demande de s'expliquer sur le rapport du comité de vérification.

Ce rapport de deux pages a été écrit à la suite d'une enquête de 10 mois menée par le contrôleur général, Pierre Reid. Des centaines, voire des milliers de courriels auraient été copiés dans la boîte du vérificateur, à son insu, dans le cadre de cette enquête.

Jacques Bergeron a remis au maire vendredi dernier un rapport de 51 pages au sujet de cette «intrusion sans précédent et d'une extrême gravité». M. Bergeron s'est dit disposé à venir présenter son rapport aux élus. Mais réagir aux accusations d'irrégularités «est clairement prématuré», écrit-il.

«Me présenter devant le Conseil pour «m'expliquer» annihilerait l'importance des principes qui ont été bafoués et donnerait, à tort et au péril de la fonction que j'occupe, une indication que les auteurs de cette illégalité peuvent recommencer», écrit le vérificateur.

Les élus d'Union Montréal ont assimilé la décision du vérificateur à un acte d'insubordination. « (Jacques Bergeron) n'a jamais voulu répondre à mes questions, a dit le maire Gérald Tremblay. Si le vérificateur n'a rien à se reprocher, qu'il vienne ici à l'assemblée et qu'il s'explique sur sa saine gestion. Il devrait répondre à son employeur, le conseil de ville: il ne peut pas toujours se défiler.»

La nouvelle a été accueillie sans surprise par les élus de l'opposition. «Le vérificateur général ne pouvait faire autrement, estime Louise Harel, chef de Vision Montréal. Il ne voulait pas assister à un procès sommaire, le scénario était écrit d'avance.»

Cinglant, le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a rappelé qu'on «n'est pas dans la Chine des années 60, mais dans le Montréal de 2011».

L'opposition continue d'affirmer que le scandale ne réside pas là où l'administration le voit. «Est-ce qu'on fait face à un scandale à Montréal? La réponse est oui, a dit Richard Bergeron. Le scandale de l'espionnage du vérificateur général par un cow-boy qui s'est autorisé à pirater ses courriels pendant 10 mois.»

Québec embêté

À Québec, le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, s'est montré agacé par la tournure des événements. Il aurait préféré que les élus de Montréal règlent cette histoire entre eux. Le maire Tremblay en a décidé autrement en faisant adopter sa motion.

«On voit que le dossier a pris l'autoroute 20 pour se rendre à Québec. Ça arrive dans ma cour, a-t-il dit. On va regarder toutes les possibilités pour donner suite à tout ça de façon correcte. On aurait aimé qu'ils décident, évidemment de la meilleure façon possible. De toute évidence, ils s'entendent pour envoyer ça chez nous. Ne vous inquiétez pas, je vais m'en occuper.»

Avec la collaboration de Tommy Chouinard à Québec