Même si elle a reçu plus de 21 millions en subventions de la Ville de Montréal depuis sa création en 2002, la Société du Havre n'a aucun compte à rendre au public. Pire, elle a complètement changé de mandat depuis sa création et doit aujourd'hui être démantelée, a demandé ce matin le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron.

Cette société, créée à l'époque pour planifier l'aménagement des rives du Saint-Laurent, est devenue «une excroissance typique de l'administration Tremblay», une tendance que M. Bergeron estime «malsaine». «C'est un pattern risqué, ça peut conduire à des dérives éthiques et de la corruption, comme on l'a vu avec la Société d'habitation de Montréal.»

La Société du Havre, a découvert Projet Montréal, n'est pas assujettie à la Loi d'accès à l'information et n'est pas tenue de dévoiler ses états financiers. La raison : aucun élu ne siège à son conseil d'administration. «On doit se demander si ç'a été fait par exprès...», ajoute Marc-André Gadoury, conseiller et leader adjoint de Projet Montréal.

Le seul recours, estime-t-il, c'est de demander au vérificateur général Jacques Bergeron de se pencher sur la gestion de la Société du Havre. La loi prévoit en effet que tout organisme ou entreprise recevant plus de 100 000$ par an en subventions doit transmettre au vérificateur ses états financiers.

«Le vérificateur a droit d'enquête, précise M. Gadoury. Nous voulons réitérer notre confiance en Jacques Bergeron. Jusqu'à preuve du contraire, c'est lui qui est en titre.»

Le parti de l'opposition s'est intéressé de plus près à la Société du Havre quand le conseil municipal a voté une prolongation de son financement en février dernier, un budget supplémentaire de 10,2 millions jusqu'en 2015. En tenant compte des sommes versées depuis 2002, c'est plus de 21 millions qui ont été octroyés par la Ville, qui assure 80% du financement. Depuis huit ans, quelque deux millions ont été versés en salaires, tandis que les honoraires professionnels aux firmes externes ont représenté une manne de 9,6 millions.

Pour Richard Bergeron, le mandat initial de l'organisme, sur lequel il siégeait d'ailleurs en 2002 à titre de représentant de l'Agence métropolitaine de transport, «était une bonne idée». On aurait toutefois dû le démanteler dès 2006, quand il a déposé son rapport final. «Le problème de ces organismes, c'est qu'ils ne savent plus mourir, estime M. Bergeron. Ils deviennent des fiefs à la tête desquels on nomme des barons, de fidèles alliés de Gérald Tremblay.»

La Ville de Montréal, dénonce-t-il, n'a pas besoin d'un organisme externe pour construire le «Quartier Bonaventure», comme c'est devenu le mandat de la Société du Havre. «Casser le béton, poser l'asphalte, on n'a pas besoin d'eux pour ça. Regardez ce qui a été fait avec l'échangeur Des Pins, Montréal a toute l'expertise pour mener ce genre de projet.»

Le bureau du maire n'a pas encore annoncé s'il allait réagir à cette sortie de l'opposition.