Après Clotaire Rapaille, qui a échoué à cerner le «code culturel» de Québec, Influence Communication s'interroge - de manière plus scientifique - sur l'image de marque de Montréal. Plutôt que de sonder les âmes, la firme a analysé, pendant trois ans, une centaine de quotidiens. Qu'est-ce qui ressort lorsqu'on écrit sur Montréal? Sans surprise, l'exercice confirme que nul n'est prophète en son pays.

Plus ils habitent loin de Montréal, plus les journalistes présentent la métropole du Québec de façon positive. «Mais plus il s'en approchent, plus ça se dégrade», indique Caroline Roy, analyste chez Influence Communication.

Pour parvenir à cette conclusion, la jeune femme et son équipe ont repéré puis analysé 105 000 articles publiés dans 108 quotidiens en 2008, 2009 et 2010. Leur but: déterminer quel «archétype médiatique» véhiculait chaque article. Autrement dit: «Ce que les gens allaient retenir de Montréal en étant exposés à sa couverture dans les médias».

«À l'étranger, Montréal est présenté comme un petit joyau culturel, particulièrement dans le domaine de la musique et du cirque, résume Mme Roy. C'est très marquant, même si notre analyse a été faite avant qu'Arcade Fire salue publiquement Montréal aux Grammys.»

Du Sunday Mail britannique au San Antonio Express-News (Texas) en passant par le Boston Globe, la vitalité musicale et artistique de Montréal a inspiré 45% des 10 000 textes sur Montréal publiés dans 81 journaux étrangers depuis trois ans.

Dans les 16 principaux quotidiens canadiens, la concurrence mêle un peu les cartes. La vitalité culturelle de Montréal est reconnue dans des centaines d'articles, mais des centaines d'autres affirment plutôt que Toronto déclasse la ville de Denis Villeneuve, Karkwa, Wajdi Mouawad, Yannick Nézet-Séguin et Marie Chouinard. À en croire le Toronto Star, l'élite artistique montréalaise est même «profondément jalouse» de certains succès de la Ville reine.

La même ambivalence teinte les reportages économiques, qui forment 18% des 30 000 articles canadiens évoquant Montréal. «C'est impossible de dégager un archétype net, dit Caroline Roy. Certains articles qualifient notre économie de moribonde comparativement à celle de Calgary et de Toronto. D'autres soulignent notre force dans le domaine des jeux vidéo.»

Lorsque les journalistes canadiens encensent Montréal, c'est presque systématiquement pour saluer son côté «festif» ou sa gastronomie (les thèmes dominants dans 26% des 30 000 articles canadiens), ou encore, parfois, son réseau de vélos Bixi. Des qualités qui retiennent aussi l'attention des journalistes étrangers.

«Avoir une image aussi positive à l'extérieur, c'est très encourageant pour l'avenir de la ville, commente le vice- président de Tourisme Montréal, Pierre Bellerose. À long terme, cela devrait inciter les gens qui ne la connaissent pas à venir la découvrir. Nos sondages montrent eux aussi que le fait que les Montréalais célèbrent la vie est reconnu partout, de Terre-Neuve jusqu'en Colombie-Britannique.»

«Dans le grand jeu planétaire, on se démarque, se réjouit pareillement Michel Leblanc, président de la chambre de commerce du Montréal métropolitain. La mondialisation nous amène à être perpétuellement en train de nous demander comment les entreprises à l'étranger nous considèrent lorsque vient le moment d'investir, comment faire en sorte que les travailleurs stratégiques soient exposés à un bruit de fond positif à l'égard de Montréal. Et on semble réussir.»

«Quand je voyage, des choses similaires ressortent, poursuit-il. Il y a un mois, je me trouvais avec les présidents de 18 des plus grandes chambres de commerce et on m'a demandé quel est le secret de notre succès, à Montréal, pour exploiter des créneaux très porteurs comme celui des jeux vidéo.»

Décrépitude et corruption

Pour le reste, par contre, Montréal n'a vraiment pas bonne presse au Canada. Ses infrastructures vieillissantes (15% des textes canadiens qui portent sur la ville) ainsi que ses scandales de corruption et la présence de la mafia (12% des textes) assombrissent la couverture des quotidiens examinés par Influence Communication.

«Nos différences culturelles historiques génèrent sans doute une certaine méfiance, une ambivalence chez les journalistes canadiens, analyse Pierre Bellerose. Mais d'après moi, ce n'est pas propre à Montréal. Ils pensent sûrement la même chose au sujet du Québec dans son ensemble.»

En septembre dernier, le magazine Maclean's a en effet fait sa une avec le titre: «The Most Corrupt Province of Canada», illustré d'une photo de Bonhomme Carnaval. Une manchette susceptible d'effrayer les investisseurs à l'égard du Québec en entier.

Chez les touristes, l'impact de ces articles est nul, croit par contre M. Bellerose. «Je ne pense pas qu'ils les empêcheront de venir passer un week-end au Grand Prix ou au Festival de jazz», dit-il.

Journaux régionaux

Chose certaine, Montréal paraît encore plus mal dans les autres régions du Québec. Leurs sept quotidiens parlent relativement peu de la métropole, affirme Caroline Roy, et lorsqu'ils le font, c'est généralement pour l'égratigner sur des aspects bien précis. On y lit tout d'abord qu'elle est trop subventionnée, qu'elle pâlit à côté de la ville de Québec, que le français y est menacé, que la qualité de vie y est moindre et, seulement en dernier, que la corruption y règne. «Les gouvernements donnent trop d'argent à Montréal», écrit par exemple Le Nouvelliste. «Montréal est devenue non-québécoise», écrit le Journal de Québec.

«Certains médias québécois font une fixation sur Montréal. Ils semblent s'imaginer qu'on y complote sans arrêt contre leur ville. Ça ne date pas d'hier, mais c'est maintenant cimenté», commente le professeur Marc-François Bernier, qui enseigne les communications à l'Université d'Ottawa et a déjà travaillé en région et dans la Vieille Capitale.

D'après Pierre Bellerose, les journalistes régionaux et étrangers n'ont tout simplement pas les mêmes références. «C'est manifeste lorsqu'on sonde les touristes, dit-il. L'été dernier, lors du même week-end, les Américains nous répondaient que Montréal était une ville très propre alors que les Québécois des régions disaient qu'elle était très sale.»

«Pour les New-Yorkais ou les Parisiens, Montréal est une ville presque relaxe, où il n'y a pas vraiment de problèmes de circulation, de stationnement ou de propreté, dit-il. Les journalistes étrangers ne s'attardent pas à nos problèmes, parce que ça cloche généralement encore plus dans leur ville, et exactement sur les mêmes points.»

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Ce qui a été analysé

Influence Communication a trié tous les articles publiés dans 108 journaux représentatifs de leur marché en 2008, 2009 et 2010. Parmi ceux-ci, 105 000 contenaient plus d'une mention de Montréal et ont donc été analysés:

> 10 000 ont été publiés dans 81 quotidiens étrangers (57 américains, 16 anglais et 8 français);

> 30 000, dans 16 quotidiens canadiens;

> 15 000 dans 7 journaux québécois hors Montréal;

> 50 000 dans 4 quotidiens montréalais.

Les articles portant sur le sport ont été exclus.

1. Ville aux lourdes structures et échec des fusions 20,2%

2. Métropole culturelle en péril 18,3%

3. Ville minée par la corruption 12,3%

4. Ville aux infrastructures vieillissantes 10,0%

5. Ville de jeux vidéo 4,4%

6. Ville festive 4,2%

7. Ville propice au cyclisme 3,7%

8. Ville de musiciens 3,6%

9. Ville qui perd sa population au profit de la banlieue 3,1%

10. Ville truffée de nids-de-poule 3,1%

11. Ville sale 3,0%

12. Ville trop subventionnée comparativement aux autres 2,3%

13. Ville en déclin comparativement à Québec 1,6%

14. Ville où le français est menacé 1,5%

15. Ville de cirque 1,5%

16. Haut lieu de la mafia italienne 1,4%

17. Ville où règne une piètre qualité de vie 1,3%

18. Siège de la clique du Plateau qui dirige le Québec 1,2%

19. Destination touristique agréable 1,1%

20. Ville froide et enneigée 0,6%