Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a déclaré hier que le contrôleur de la Ville, Pierre Reid, «n'a pas le droit d'enquêter sur les élus» et que, à sa connaissance, cela n'a jamais été fait. Les conseillers de l'opposition, eux, sont de plus en plus inquiets.

Une récente décision de la Commission des relations du travail, citée par La Presse hier, révèle qu'un conseiller en informatique travaillant à l'occasion pour Pierre Reid a reçu le mandat d'enquêter au besoin sur tous les employés de la Ville ainsi que sur les élus.

«En plus de ses tâches administratives, Monsieur MN (Michel Nantel) exerce une fonction d'enquêteur, indique la décision, datée du 22 février. Il relève alors d'un autre supérieur, monsieur Pierre Reid, contrôleur général. À ce titre, Monsieur MN est susceptible de faire des enquêtes sur tous les individus qui sont en contact avec la Ville, que ce soit des employés, cols blancs ou bleus, et même des élus.

«L'un des mandats de monsieur MN consiste à enquêter sur les individus qui sont en contact avec la Ville... et même des élus», insiste le commissaire Benoît Monette, qui a refusé pour cette raison que Michel Nantel se joigne au syndicat des professionnels de la Ville.

Des journalistes ont questionné le maire à ce sujet après un dîner auquel il participait à la chambre de commerce, hier. «On a une opinion juridique qui est très claire, a-t-il dit. Le bureau du contrôleur n'a pas le droit d'enquêter sur les élus.»

A-t-il l'assurance que ça n'a jamais été fait? «Moi, j'ai l'assurance qu'il (M. Reid) n'a pas le droit de le faire, a répondu M. Tremblay. C'est ça qui est important. Et on me dit qu'il ne l'a pas fait. Partant de là, je me fie à ce qu'on me dit et on n'enquêtera pas sur les élus.»

Ces déclarations n'ont pas suffi à rassurer les conseillers de l'opposition. Les représentants de la Ville ont dit le contraire devant le Commissaire du travail, a souligné Louise Harel, chef de l'opposition officielle à l'hôtel de ville. Mme Harel a écrit une lettre au ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, pour lui demander d'ouvrir une enquête.

«Rappelons-nous que M. Nantel est la même personne mise en cause par le Vérificateur général de la Ville de Montréal dans son rapport spécial, comme étant celui qui détenait les permissions nécessaires pour avoir accès aux systèmes informatiques et à toutes les communications électroniques», indique-t-elle dans sa lettre.

Ce rapport affirme que M. Nantel est l'un des enquêteurs qui a ouvert et saisi les courriels du vérificateur et donne des dates précises. «M. Nantel a usé, pour ne pas dire abusé, de son privilège le 22 décembre 2010, précisément à 10h49min31s, pour procéder à une opération de restauration de 16 fichiers courriel de M. Jacques Bergeron (le vérificateur). (...) Nous avons aussi découvert que M. Nantel a tenté d'effacer les traces de son intrusion... Le 25 janvier 2011, 15 autres fichiers courriel de M. Jacques Bergeron ont été restaurés et copiés par M. Nantel en utilisant la même procédure... Il ne s'agit pas ici d'accidents, ajoute le rapport du vérificateur. Ces gestes ont été planifiés de longue date et, en ce sens, s'apparentent à des actes de piratage informatique.»

Le maire de l'arrondissement du Sud-Ouest, Benoit Dorais, et la conseillère municipale Véronique Fournier, tous les deux membres du parti Vision Montréal de Mme Harel, ont déjà dit qu'ils avaient l'impression que leurs courriels avaient été espionnés, rappelle Mme Harel dans sa lettre au ministre des Affaires municipales. «L'espionnage électronique des élus de la Ville de Montréal est totalement inacceptable», soutient-elle.

Le chef du deuxième parti de l'opposition, Richard Bergeron, évoque des méthodes dignes de Lavrenti Beria, le chef de la police secrète sous le dictateur Joseph Staline. Par mesure de sécurité, les conseillers et le personnel de son parti, Projet Montréal, vont remettre leurs téléphones cellulaires à la Ville, changer d'appareil et utiliser de nouvelles adresses électroniques, a-t-il dit.

«Il y a un mois, on a demandé au président du conseil municipal qu'il nous garantisse par écrit que nous n'avons jamais été espionnés, mais nous n'avons toujours pas reçu cette lettre, a dit Richard Bergeron. Ces histoires d'espionnage - du vérificateur, et maintenant des élus - n'ont aucun sens. On a l'impression de se retrouver dans un régime soviétique, avec Pierre Reid dans le rôle de Beria.»

- Avec Martin Croteau