Coup de théâtre en fin de soirée mardi au conseil municipal. Après avoir menacé de poursuivre la Ville pour l'avoir espionné, 32 heures après avoir refusé de démissionner pour «défendre sa réputation», le président du conseil Claude Dauphin a annoncé qu'il acceptait de se retirer.

La confirmation est tombée mardi vers 22h30, après une rencontre d'une demi-heure entre les trois leaders des partis représentés au conseil municipal. «Constatant que c'est difficile pour moi, pour mes proches, pour l'ensemble d'entre vous, j'ai proposé un compromis pour la dignité de la fonction de président du conseil, afin que tout le monde puisse sortir la tête haute de tout ça, a dit M. Dauphin. J'ai toujours travaillé au bon fonctionnement du conseil.»

Les trois partis se sont entendus pour adopter une motion unanime prenant acte de ce «retrait temporaire», et demandant que «les autorités compétentes fassent diligence» afin que les «événements qui ont conduit à la décision du président» connaissent leur dénouement le plus rapidement possible.

La motion est claire: en aucun temps, ce retrait temporaire ne constitue un blâme à l'endroit du président. «Cette motion a pour objet de faire en sorte d'éviter aux élus de porter un jugement sur des faits non avérés», peut-on lire dans le texte de la résolution. M. Dauphin a réitéré avoir été victime d'une procédure d'espionnage «illégale» et a maintenu avoir toujours agi dans l'intérêt de ses commettants de Lachine. «Certains fonctionnaires me trouvaient insistants, mais je le referais demain, si c'était à refaire.» Il a également souligné avoir «fréquenté beaucoup de personnes en 30 ans de vie politique».

La chef de l'opposition officielle Louise Harel a salué la «dignité» avec laquelle M. Dauphin avait occupé ses fonctions, «dans les 24 dernières heures et depuis un an et demi». Le maire Gérald Tremblay, solennel, a remercié M. Dauphin d'avoir fait ce geste «pour l'institution» de la présidence du conseil. Seul un élu, François Limoges, de Projet Montréal, a annoncé qu'il n'appuierait pas la motion mais quitterait la salle.

La présidence sera assumée par la vice-présidente actuelle, la conseillère Elsie Lefebvre, de Vision Montréal. La question du remplacement à moyen terme de M. Dauphin n'a pas été éclaircie.

Durs affrontements

Toute la journée, les 65 élus avaient croisé le fer, parfois avec acrimonie, autour d'une première motion déposée par l'équipe du maire Gérald Tremblay demandant le «retrait temporaire» de M. Dauphin, et ce, «jusqu'à ce que la lumière soit faite sur les allégations». La motion demandait du même souffle la nomination immédiate de son remplaçant, Claude Trudel, lieutenant de Gérald Tremblay responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville.

La motion est devenue inutile avec le départ volontaire de M. Dauphin.

Le parti de l'opposition officielle, Vision Montréal, a échoué en début de journée à ajourner la séance. La leader Anie Samson a soutenu que la motion sur laquelle les élus étaient appelés à voter avait été modifiée, un détail technique qui aurait forcé le report du vote de 24 heures. La directrice des affaires juridiques de la Ville a dû trancher et a rejeté la prétention de Vision Montréal.

Élus «menacés»

Le parti de Louise Harel a également demandé un vote secret pour le retrait du président, assurant que des élus d'Union Montréal avaient été «menacés de représailles» s'ils ne se pliaient pas à la ligne de parti. L'accusation a fait bondir le maire Tremblay: «Les gens de mon parti vont voter en leur âme et conscience. Jamais je n'aurais osé (menacer nos élus), je ne suis pas de nature vindicative.»

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, avait peu avant qualifié Gérald Tremblay de «maire d'opérette», «qui n'a plus aucun contrôle sur l'appareil municipal».

Enquête de la SQ

M. Tremblay, qui a expliqué n'avoir appris que lundi matin que les courriels de Claude Dauphin avaient été ouverts à la suite d'une enquête administrative, a assuré qu'il ne s'est pas «présenté en politique pour être un policier», même s'il a rappelé s'être engagé en 2009 à faire le ménage à l'hôtel de ville. Il a également confié qu'il avait trouvé «très difficile» de demander la démission de Claude Dauphin, mais qu'il l'a fait «pour le bien de sa famille et de ses enfants». L'affirmation a soulevé un tollé dans la salle du conseil.

Pour la première fois, le maire a donné une explication au fait que Pierre Reid a été relevé de ses fonctions de contrôleur général, lundi. «Ces gestes (l'ouverture des courriels) n'auraient jamais dû être posés sans un mandat écrit. C'est la raison pour laquelle je lui ai demandé de quitter son poste de contrôleur.»