Deux ans de controverses, qui ont culminé depuis trois mois avec le scandale de l'espionnage à l'hôtel de ville de Montréal, ça laisse des traces. Avec un maigre 16% des intentions de vote, le maire Gérald Tremblay récolte son pire appui depuis son arrivée en politique municipale, selon un sondage Angus Reid-La Presse.

Si des élections avaient eu lieu cette semaine, il aurait été balayé par ses deux adversaires, Louise Harel et Richard Bergeron, qui auraient récolté respectivement 34% et 32% des voix. Une majorité de Montréalais ne croient pas leur maire, n'approuvent pas le comportement de ses fonctionnaires dans la plus récente controverse et estiment qu'il devrait quitter son poste avant la fin de son mandat.

Enfin, avec une quasi-unanimité, 90% des répondants sont d'accord avec la décision de Québec d'enquêter sur l'hôtel de ville. Presque un Montréalais sur deux, soit 48%, voudrait carrément un remède de cheval, soit la mise sous tutelle de la métropole.

Ce sondage, réalisé les 20 et 21 avril derniers, contient peu de bonnes nouvelles pour l'administration Tremblay.

«C'est difficile d'éviter la conclusion qu'il y a un mécontentement assez élevé à l'égard de cette administration, dit sobrement Jaideep Mukerji, vice-président aux affaires publiques chez Angus Reid. Le climat politique est toxique. Quand une majorité de citoyens croient que leur maire devrait quitter son poste, ce n'est pas une bonne nouvelle.»

Opposition en phase

Globalement, 56% des répondants croient que le maire Tremblay devrait quitter son poste avant les prochaines élections, en novembre 2013. Moins du tiers, soit 31%, sont d'avis de le laisser compléter son mandat.

Les appels à la démission lancés par l'opposition depuis deux semaines montrent par ailleurs que les deux chefs sont parfaitement en phase avec leurs électeurs. Pour 81% de ceux qui ont voté pour Mme Harel, et 70% de ceux qui ont choisi M. Bergeron, le maire devrait démissionner. Notons que 35% de ceux qui ont voté Gérald Tremblay en 2009 souhaitent tout de même le voir quitter son poste avant son terme.

Ceci dit, Gérald Tremblay a toujours eu un effet «polarisant» sur les électeurs et les appels à son départ ne sont pas nouveaux, rappelle M. Mukerji. Cette fois, une analyse plus fine des résultats permet cependant un constat troublant: à peine 40% des électeurs qui ont voté pour M. Tremblay en novembre 2009 referaient aujourd'hui la même chose. À titre de comparaison, les électeurs de Louise Harel continuent de l'appuyer dans une proportion de 82%, et ceux de Richard Bergeron, à 77%. «Sa base a été ébranlée», conclut le sondeur.

La confiance des Montréalais envers leur maire a connu le même sort, comme l'indiquent une majorité de répondants. Quelque 72% d'entre eux estiment que celle-ci a «beaucoup» ou «modérément diminué» depuis le début de l'année.

Petit baume sur les plaies du maire, ses rivaux ne semblent pas en tirer profit de façon claire. En ce qui concerne Louise Harel, 18% des répondants ont vu leur confiance augmenter... mais 23% l'ont vue baisser. Richard Bergeron a presque autant de répondants qui ont plus confiance en lui -20%- que de personnes qui ont moins confiance- 18%.

«Ce n'est pas un échange, les gens ne vont pas avoir plus confiance dans l'opposition simplement parce qu'ils ont perdu foi dans l'administration», note M. Mukerji.

Oui à la tutelle et aux enquêtes

S'il fallait d'autres indicateurs du mécontentement des Montréalais, les questions sur les façons de sortir l'hôtel de ville des controverses les illustrent avec éloquence. On a carrément demandé aux répondants de se prononcer sur une possibilité très théorique, voire impossible à l'heure actuelle: la mise sous tutelle de la Métropole. Elle recueille l'appui d'un Montréalais sur deux, soit 48%, tandis que 39% s'y opposent.

«On s'est vraiment demandé si on allait poser cette question, c'est une solution tellement extrême, explique le sondeur. On réalise que ce sont surtout les gens qui n'aiment pas M. Tremblay qui croient que la tutelle est nécessaire.»

On ne pourra pas accuser les Montréalais de chauvinisme: 90% d'entre eux sont d'accord pour que le gouvernement du Québec vienne mettre son nez dans les affaires de Montréal et enquêter sur les allégations de corruption à l'hôtel de ville, comme cela a été annoncé la semaine dernière. Près des deux tiers, soit 61%, se disent même «fortement pour» cette solution. «C'est clair, l'intérêt pour une enquête est très fort, et les gens y voient une alternative à la commission d'enquête qu'on refuse de mettre sur pied», estime M. Mukerji.

Ce sondage a été réalisé du 20 au 21 avril 2011, Opinion publique Angus Reid a mené un sondage en ligne auprès d'un échantillonnage représentatif de 817 Montréalais. Les répondants sont inscrits au Forum Angus Reid , et ont été choisis au hasard. La marge d'erreur est de 3,4%. Les résultats ont été statistiquement pondérés conformément aux plus récentes données de recensement sur l'âge, le sexe et la langue, ainsi que le vote passé de l'élection municipale montréalaise en 2009.