La construction d'un nouveau pont Champlain et le réaménagement de ses approches coûteront au moins 5 milliards de dollars et vont durer au moins huit ans, selon un document «secret» de la Société des ponts fédéraux obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Ce document indique de plus que l'estacade du pont Champlain, le pont de L'Île-des-Soeurs, les ponts Jacques-Cartier et Mercier, de même que le tunnel de Melocheville, qui relèvent de la société fédérale des Ponts Jacques-Cartier et Champlain (PJCC), auront tous besoin de travaux importants dans les prochaines années.

Les besoins sont tels, dit le document, que PJCC se trouve dans une situation de sous-financement qu'elle qualifie de «critique» par la Société des ponts fédéraux. «Des travaux majeurs et urgents sont à faire et l'incertitude quant au niveau de financement contribue à compliquer la gestion du risque et à limiter la capacité de planification» de PJCC, précise ce document. La quasi-totalité des données de nature financière ont été caviardées dans le document remis à La Presse.

Ce document est un plan d'affaires qui couvre les besoins en investissements de la Société des ponts fédéraux de 2011 à 2016. Il a été adressé à l'ex-ministre fédéral des Transports, Chuck Strahl, au début du mois de février.

«De correcte à mauvaise»

Un mois plus tard, le sénateur conservateur Larry Smith a annoncé des investissements de 228 millions de dollars en trois ans pour la société qui gère les ponts fédéraux de Montréal. De cette somme, 158 millions sont destinés au pont Champlain, ce qui comprend son estacade, le pont de L'Île-des-Soeurs et quelques kilomètres de l'autoroute 15. Les autres ouvrages fédéraux de Montréal bénéficieront pour leur part de 70 millions.

«La condition des ponts fédéraux à Montréal varie de correcte à mauvaise, selon le document. L'âge des structures, le design original des ponts, le degré de corrosion et le fait que les investissements n'aient pas suivi l'augmentation du trafic ont contribué à créer la situation actuelle. La complexité et le débordement du réseau routier montréalais sur les ponts font en sorte qu'il faut prévoir une bonne coordination, des consultations, des retards et des dépenses importantes pour chaque réparation. Chacune d'entre elles aura des impacts différents: les petits travaux provoqueront des retards mineurs; les plus importants pourraient entraîner des fermetures de voies et des réductions de charges.»

C'est toutefois le pont Champlain qui suscite le plus de commentaires en raison de sa piètre condition et de l'incertitude quant à son avenir.

«Le pont Champlain et ses approches sont une source particulière d'inquiétude, en raison de l'état avancé de détérioration. Un rapport préliminaire par une firme d'ingénierie indépendante, qui date de décembre 2010, conclut que les défaillances, les risques et les coûts associés sont tels que le pont Champlain doit être remplacé par une nouvelle structure, et que le processus de remplacement doit être enclenché le plus tôt possible.»

2800 camions

De plus, précise-t-on, «le ministère des Transports du Québec a annoncé qu'il doit interdire temporairement le trafic lourd sur le pont Honoré-Mercier à compter de décembre 2010 pour une période indéterminée, à cause des inquiétudes soulevées par une inspection récente des glissières de sécurité sur la portion du pont appartenant au gouvernement provincial. Cela signifie que quelque 2800 camions qui empruntent chaque jour le pont Honoré-Mercier doivent désormais être déroutés vers le pont Champlain. Il faudra tenir compte du trafic accru, si bien que la société PJCC ne pourra pas fermer les voies du pont Champlain aussi souvent que requis pour l'entretien et les réparations.»

Le coût de remplacement du pont Champlain est estimé à 5 milliards, dont 670 millions pour le réaménagement de quelques kilomètres de l'autoroute 15 du côté de Montréal. Cette estimation «est basée sur les conclusions des inspections annuelles» et inclut «tous les coûts des travaux devant être complétés pendant la période de planification: les frais des travaux de génie, du design, de la gestion de projet et les coûts de construction».

Le document précise que ces estimations sont «préliminaires». Selon la Société des ponts fédéraux, l'option de construire un tunnel en remplacement du pont actuel «n'est pas financièrement intéressante».

-Avec la collaboration de William Leclerc