Des conseillers montréalais vont se pencher très bientôt sur une question bien de notre temps: faut-il interdire aux élus d'utiliser les réseaux sociaux pendant les réunions du conseil municipal?

Le débat aura lieu à la mi-juin, mais déjà les élus sont divisés sur la question.

Mardi, en pleine réunion du conseil, l'utilisation d'un terme antiparlementaire a lancé le débat. Normalement, la présidente de l'assemblée serait intervenue pour corriger le conseiller fautif. Sauf que le mot «matamore» a été employé sur Twitter, une véritable zone grise parlementaire.

Des dizaines de conseillers municipaux utilisent actuellement Facebook et Twitter sur une base régulière. Ils y parlent de la pluie et du beau temps ou des projets en cours dans leur arrondissement. Mais les jours de réunion, leurs messages prennent un ton plus partisan. Plusieurs élus utilisent leur téléphone intelligent pour commenter le déroulement des activités, suscitant de nouvelles questions de décorum.

C'est ainsi que Benoit Dorais, maire du Sud-Ouest et conseiller de Vision Montréal, a écrit mardi quelques tweets qui ont lancé la controverse. Il a notamment qualifié de «matamores» les conseillers d'Union Montréal, le parti de Gérald Tremblay.

Piqué au vif, Lionel Perez, l'un de ces conseillers, a aussitôt dénoncé le tweet en pleine assemblée. Selon lui, les propos de Benoit Dorais étaient déplacés. Le mot «matamore» est antiparlementaire, selon la liste de 222 expressions proscrites par l'Assemblée nationale, qu'utilise aussi le conseil municipal.

Si M. Dorais avait dit ce mot en Chambre, la présidente de l'assemblée l'aurait corrigé. Il aurait dû s'excuser et retirer ses paroles. Mais le même mot écrit sur Twitter pendant l'assemblée n'entraîne actuellement aucune sanction.

Selon M. Perez, il faut trouver des solutions. «En tant qu'élus, en conférence de presse par exemple, on peut dire théoriquement ce qu'on veut, parce que le président ne peut demander de retirer des paroles après les faits. Par contre, je crois que, lorsque le conseil siège, les élus devraient être soumis à une certaine retenue dans le respect de l'institution démocratique, que ces propos soient formulés dans l'enceinte du conseil ou à l'extérieur.»

La Commission de la présidence a été saisie du dossier et l'étudiera à sa prochaine réunion, le 14 juin. Plusieurs avenues pourraient être étudiées, comme interdire carrément aux élus d'utiliser les réseaux sociaux durant les réunions du conseil, ou permettre au président de sanctionner ce qui s'y écrit.

«Si vous traitez quelqu'un d'idiot ou d'imbécile au conseil, le président vous demandera de retirer vos propos, indique Marvin Rotrand, vice-président de la Commission et élu d'Union Montréal. Mais sur Twitter, personne ne vous reprend.»

Mais plusieurs élus sont partisans du statu quo. Pourquoi tuer une mouche avec un bazooka? se demande Anie Samson, de Vision Montréal. «C'est un sujet délicat. C'est la première fois que ça nous arrive, indique-t-elle. Je comprends que M. Perez n'aime pas qu'on parle de son grand chef, de ses dossiers de façon négative, mais il faut aussi respecter la liberté d'expression.»

Benoit Dorais dit qu'il ignorait que le mot «matamore» était antiparlementaire. Grand utilisateur de Twitter, il estime qu'il faut faire confiance aux élus. «Les médias sociaux nous permettent de rejoindre les citoyens comme jamais, dit-il. Il faut arrêter de devenir fou et de vouloir tout contrôler.»