Les appuis se multiplient en faveur des centres d'injection supervisée. Il y a un mois, une étude scientifique a conclu qu'ils aident à sauver des vies. Puis, dans un rapport publié hier, plusieurs personnalités déclarent que les gouvernements devraient les soutenir plutôt que de poursuivre la traditionnelle «guerre contre la drogue» (voir autre texte).

Au même moment, un projet de centre d'injection supervisée à Montréal se heurte pourtant à bien des écueils. En novembre dernier, l'organisme Cactus a annoncé aux médias son intention d'ouvrir un tel centre dès le mois de juin. Plus de six mois plus tard, rien n'est fait. Le projet a même été reporté et ne verra vraisemblablement pas le jour cette année.

«Après notre annonce, en novembre, on nous a fait comprendre qu'il fallait consulter le milieu, explique le président du conseil de Cactus, l'avocat Louis Letellier de St-Just. Plutôt que d'avoir une bataille rangée, on a décidé de travailler ensemble.»

Sans préciser d'où sont venues les pressions sur Cactus, il explique qu'«il y a des opposants, il y en aura probablement toujours».

La direction de la santé publique de Montréal (DSP) a donc mis sur pied il y a un mois la Table d'implantation des lieux d'injection supervisée. Des organismes communautaires, des commerçants et des voisins y siègent, explique M. Letellier de St-Just. Le but de ce comité est de produire un rapport avant l'hiver sur la possibilité d'ouvrir un ou plusieurs centres d'injection à Montréal.

«On n'est plus à l'étape de savoir si c'est nécessaire, on est à l'étape d'établir comment on va le faire, explique le président de Cactus. On a dit à la DSP: «Très bien, on va participer à ça pour autant que chaque membre reconnaisse la nécessité des centres d'injection supervisée.» Les gens qui vont y participer ne seront pas là pour remettre en cause la pertinence des centres.»

Sauver des vies

Les centres d'injection supervisée fournissent des seringues propres aux toxicomanes, qui peuvent s'administrer leur drogue sur place en toute sécurité, sans craindre de contracter des maladies ou de se faire arrêter par la police. Des infirmières supervisent les injections et interviennent en cas de surdose. Évidemment, les centres ne fournissent pas la drogue.

Pour l'instant, Cactus distribue près de 300 000 seringues par année dans un local de la rue Sainte-Catherine, près de l'Université du Québec à Montréal. Ceux qui s'y présentent ne peuvent toutefois pas se piquer sur place, ce que l'organisme espère changer.

Le seul centre d'injection supervisée qui existe au Canada, Insite, a ouvert ses portes à Vancouver en 2003. Depuis, le nombre de surdoses mortelles a chuté de 35% dans le quartier difficile du Downtown Eastside, a conclu en avril une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet. Il y a eu plus de 2000 surdoses au centre depuis son ouverture, mais aucune n'a été fatale.

Les centres d'injection supervisée pourraient aussi être un outil important dans la lutte contre l'hépatite C. À Montréal, 68% des utilisateurs de drogues injectables sont porteurs du virus, a précisé hier une porte-parole de la DSP-Montréal, Lise Chabot.

Selon Mme Chabot, la création d'un comité et le report de l'ouverture du centre à Montréal ne doivent pas être vus comme un désaveu de la part de la DSP. «Il faut regarder si c'est faisable à Montréal et travailler avec nos partenaires. Parce que c'est nouveau, ce serait la première fois qu'il y aurait des centres d'injection supervisée à Montréal, alors on veut bien faire les choses, dit-elle. On veut s'assurer que nos partenaires sont d'accord avec le processus.»

Rappelons que le gouvernement conservateur de Stephen Harper s'est toujours opposé aux centres d'injection supervisée. La Cour suprême se penche actuellement sur leur légalité et rendra son jugement prochainement.