Il n'y a pas que Québec qui peine à faire sortir de terre un nouvel amphithéâtre. À Laval, un projet de complexe sportif et culturel en partenariat avec le secteur privé, financé jusqu'à 63 millions de dollars par Québec et Ottawa, patauge depuis plusieurs mois. Pour sortir de l'impasse, la ville du maire Vaillancourt a revu sa copie en s'inspirant du montage imaginé par Régis Labeaume, puis est allée la présenter discrètement au ministère des Affaires municipales, a appris La Presse.

Annoncé en 2009, le projet qui comprendra trois glaces, dont l'une dotée de 2000 sièges et une autre de 7000 sièges, est parti sur les chapeaux de roues. Les travaux devaient débuter dès le printemps suivant, pour une inauguration en décembre 2012.

C'est l'organisme à but non lucratif Cité de la culture et du sport qui assure la gestion du projet. Son président est Gaétan Turbide, actuel DG de la Ville.

Les deux tiers des coûts de construction, estimés à 96 millions de dollars, sont financés par Québec et Ottawa. Au provincial, cela représente la somme de 30,4 millions, consentis par le ministère des Affaires municipales. La Ville devait compléter la mise en tout ou en partie avec l'aide d'un partenaire privé bénéficiant d'un bail de 20 ans.

Un appel de propositions a été lancé au printemps 2010 afin de sélectionner, en fonction d'une grille de pointage secrète, parmi les entreprises intéressées à construire, gérer et entretenir ce futur amphithéâtre, celles qui seraient aptes à soumissionner. Mais le processus, ralenti par de multiples reports des échéances, a achoppé. Au final, selon une source qui a requis l'anonymat, de cinq à sept firmes auraient démontré un intérêt. Du lot, deux firmes de génie-conseil se seraient retrouvées finalistes.

Mais aucune de ces propositions n'aurait eu la faveur de la Ville, en particulier sur l'aspect de la capacité financière, assure Me Pierre Lambert, de Dunton Rainville, représentant dans ce dossier: «On a été obligés de mettre un terme au processus. Les propositions étaient non recevables. Peut-être que ce genre de PPP est moins facilement finançable qu'un hôpital ou un pont.»

Il refuse toutefois de confirmer le nombre et le nom des firmes qui ont postulé, en s'appuyant sur les règles de confidentialité prévues par la Loi sur le processus d'attribution des contrats des organismes municipaux. Après vérification, cette disposition n'est valable que «jusqu'à l'ouverture des soumissions», selon l'article 576. Surtout, cette loi ne s'applique pas aux organismes à but non lucratif comme Cité de la culture et du sport.

Comme à Québec

Devant cette situation, Laval a remis en question l'idée du PPP et scindé le projet en deux, comme à Québec: d'une part, la construction de l'édifice; d'autre part, sa gestion et son entretien, qui feront l'objet d'un appel d'offres.

C'est cet aspect du dossier et son montage financier qui ont été examinés par le Ministère. «Nous voulions nous assurer que ce projet était acceptable pour tout le monde», précise Me Lambert. Laval craint aussi de perdre ses subventions au passage.

Selon nos sources, on aurait envisagé au départ, comme pour le Colisée, de soustraire au processus d'appel d'offres la portion gestion-entretien pour la confier à une firme privée.

Me Lambert le nie; il assure qu'il n'aurait pas été «approprié» de surfer sur le précédent de Québec et de tenter d'obtenir aussi un quelconque accommodement du Ministère ou un changement à la loi.

«Le maire de Laval est pour le respect des lois», a indiqué de son côté son attaché de presse, Jean-Maurice Duddin.

Émilie Lord, porte-parole du ministère des Affaires municipales, dit que la démarche de Laval entre dans le cadre normal du rôle de conseil du Ministère. Des discussions et des réunions ont eu lieu entre le Ministère et la Ville dont il n'a pas été possible de connaître la teneur, mais le feu vert a été donné.

L'appel de propositions pour la gestion et l'entretien du futur complexe, qui abritera trois patinoires, pourra contenir des critères précis établis en fonction des objectifs visés, mais sans pour autant être trop restrictif, ce qui aurait pour effet de limiter à un seul soumissionnaire, prévient le Ministère.



Mais à la suite du précédent créé par Régis Labeaume, tant Jean Charest, son ministre des affaires municipales Laurent Lessard, et l'Union des municipalités du Québec (Gilles Vaillancourt est membre de l'exécutif de l'UMQ), veulent effacer les «zones grises» de la loi pour permettre aux municipalités de négocier semblables ententes avec un partenaire privé.

Paradoxe alors qu'en même temps le gouvernement multiplie les vérifications dans les villes et resserre les règles d'octrois de contrats pour favoriser une saine concurrence.