Le système de vélos en libre-service BIXI sera difficilement rentable à Montréal, et les contribuables pourraient en faire les frais. C'est l'une des principales mises en garde contenues dans un rapport accablant du vérificateur général de Montréal sur BIXI.

La naissance de BIXI s'est faite au détriment de plusieurs «règles élémentaires de gestion», à l'aide d'une comptabilité «discutable» et dans un manque de transparence, conclut par ailleurs Jacques Bergeron dans le document de 70 pages remis au conseil municipal.

Après sa lecture, les deux partis de l'opposition ont qualifié l'aventure des vélos en libre-service «d'improvisation totale» et réclamé de profonds changements.

Le rapport révèle que l'entreprise qui gère BIXI, la Société de vélo en libre-service (SVLS), devra bientôt se départir de toutes ses activités internationales. Il s'agit d'une condition du gouvernement provincial pour permettre à Montréal d'aider financièrement la Société, puisque les villes ne peuvent financer des opérations commerciales à l'étranger.

La société mère de BIXI ne pourra donc plus courir le monde pour vendre ses vélos comme elle le fait actuellement. Rappelons que la SVLS a déjà exporté son système à Londres, Toronto et Washington, notamment. Elle est aussi dans la course pour décrocher un important contrat afin de fournir 10 000 bicyclettes à New York.

Lundi, il était trop tôt pour comprendre les effets qu'aura cette révélation sur BIXI et sur les contribuables montréalais. Le président du conseil d'administration de la SVLS, Roger Plamondon, a confirmé la nouvelle. Il a laissé entendre que des investisseurs privés pourraient racheter les activités internationales de BIXI.

Chose certaine, il est difficile de voir comment BIXI pourrait être bientôt rentable sans sa composante internationale. L'année dernière, la Société a perdu 7 millions dans ses activités montréalaises. Ses ventes à l'étranger lui ont rapporté 8,5 millions, pour un bénéfice de 1,5 million.

«Paradoxalement, la SVLS a impérativement besoin de l'exportation pour assurer sa rentabilité, mais elle devra se départir de cette activité», écrit le vérificateur, qui se montre très sceptique quant à la capacité de BIXI d'être un jour profitable. Selon lui, il faudrait que le système de vélos en libre-service montréalais fasse des profits de 5 à 6 millions par année pour être viable, notamment pour remplacer les vélos et les bornes à la fin de leur vie utile, dans sept ans.

«La SVLS risque de manquer de liquidités pour le renouvellement de ses actifs», indique Jacques Bergeron.

Si BIXI ne devient jamais rentable, les Montréalais pourraient bien en faire les frais. «La Ville couvre actuellement une partie des risques du projet, mais la SVLS en conservera tous les bénéfices», déplore le vérificateur.

Un plan de sauvetage de 108 millions

Le rapport critique aussi les choix de l'administration Tremblay dans ce dossier. En confiant à Stationnement de Montréal le mandat de lancer un système de vélos en libre-service en 2007, «la Ville a outrepassé ses pouvoirs», tranche M. Bergeron.

Les membres du comité exécutif ont pris une série de décisions sur BIXI «sans qu'aucun intervenant de la Ville ne valide les renseignements». Ils n'ont vu ni étude de faisabilité, ni structure de financement, ni analyse de risque. «Le fait que le comité exécutif ait approuvé ce projet sans aucune étude sérieuse à l'appui n'était assurément pas la meilleure façon de protéger les deniers publics», note le rapport.

La SVLS s'est finalement séparée de Stationnement de Montréal. Mais pour voler de ses propres ailes, elle a eu besoin de l'aide financière de Montréal. La Ville a donc accepté de financer ses activités. Le conseil municipal a entériné il y a un mois un plan de sauvetage de 108 millions -un prêt de 37 millions et des garanties de 71 millions.

Lundi, la chef de Vision Montréal, Louise Harel, a dénoncé cette entente, qui a été obtenue selon elle «sous fausses représentations». Elle estime que, au moment de voter pour le plan de sauvetage, les élus ne savaient aucunement que BIXI devait se départir du volet international, le seul qui soit profitable.

«On nous a dit de ne pas nous inquiéter, que l'exportation allait permettre, malgré le déficit des opérations de BIXI à Montréal, de rembourser ce prêt de 37 millions, a rappelé Mme Harel. Nous sommes indignés.»

De son côté, Richard Bergeron, le chef de Projet Montréal, a dénoncé le processus décisionnel. «Il n'y a eu aucune étude de faisabilité, aucun plan d'affaires. C'est de l'improvisation totale. On se fout de la gouvernance et des règles les plus élémentaires.»

Les deux chefs ont par ailleurs accusé Gérald Tremblay d'avoir bâclé le lancement de BIXI afin que les vélos roulent avant les élections municipales de novembre 2009. «Il fallait brandir à tout prix une réussite », a dit Louise Harel.

«C'est un travail qui est parti très rapidement. Nous avions des contraintes de temps», a reconnu lundi le président de la SVLS, Roger Plamondon.

M. Plamondon a assuré que plusieurs mesures avaient été prises pour mettre en oeuvre les recommandations du vérificateur. «Le but reste le même : que ça ne coûte rien aux Montréalais», a-t-il dit.

«Je ne considère pas qu'un système qui a gagné des prix à l'étranger soit un échec, a-t-il ajouté. Je ne considère pas qu'un système qui compte 5 millions de déplacements à BIXI soit un échec. Je ne considère pas qu'un système qui fait la fierté des Montréalais soit un échec.»

Les conclusions du vérificateur n'inquiètent pas outre mesure Michel Bissonnet, responsable des transports au comité exécutif et membre d'Union Montréal. «Je suis bien confiant, je suis bien positif», a-t-il dit, vantant les mérites de BIXI.