La Société de transport de Montréal installera à compter d'aujourd'hui des supports à vélos à l'avant de certains autobus, a appris La Presse. Un projet-pilote dangereux, accusent les chauffeurs, qui craignent que ce nouvel équipement ne multiplie les retards et le nombre d'accidents avec des piétons.

«On est en ville, on est à Montréal, avec tous les travaux, les nids-de-poule, les rues bouchées. Quand on se promène avec un rack à vélos en plus, qui vient obstruer en partie la vue des chauffeurs, on multiplie le risque d'accident», dénonce le président du Syndicat des chauffeurs d'autobus, Denis Vaillancourt, en entrevue à La Presse.

«On n'a pas voulu dire non au projet dès le départ. Nos chauffeurs ont participé aux essais, mais ils n'ont pas été concluants», explique-t-il.

Les autobus munis d'un support à vélos sont courants dans plusieurs grandes villes. Ils permettent à des usagers des transports en commun de loger leur monture à l'avant de l'autobus. Ils sont surtout appréciés des cyclistes qui font de longues distances, ou quand il pleut.

Selon nos informations, la STM annoncera aujourd'hui qu'elle compte essayer ces supports sur les circuits 140 (Fleury) et 180 (De Salaberry). Le projet sera étendu à d'autres trajets en cas de succès.

Risque accru pour les piétons

Mais, selon le syndicat, ces supports représentent un danger pour les piétons. Actuellement, lorsqu'un autobus se range à l'arrêt, il empiète de quelques centimètres sur le trottoir en se braquant. Les chauffeurs craignent maintenant que le support augmente cet empiétement à un mètre.

«On risque de heurter des gens, parce que les piétons n'ont pas peur des autobus, affirme le président du syndicat. On en accroche déjà avec nos rétroviseurs à l'occasion, alors imaginez avec un rack à vélos. Ça nous force quasiment à débarquer les gens dans la rue.»

En 2009, les autobus de la STM ont été impliqués dans 178 accidents. Ils ont notamment heurté 33 piétons.

Devant le risque, le syndicat a donc envoyé une consigne à ses membres: ceux qui seront appelés à rouler avec un support à l'avant devront redoubler de prudence. M. Vaillancourt prévient les usagers qu'il pourrait y avoir plus de retards sur les deux lignes du projet-pilote. «Je demande à mes chauffeurs de prendre leur temps, de ne pas se brusquer et de faire attention. Ça pourrait occasionner des retards sur les lignes», a-t-il dit.

Il craint aussi que le support soit difficile d'utilisation, entraînant «une hausse des altercations verbales».

Le syndicat a donc demandé à la Commission de la santé et sécurité du travail de se pencher sur le problème. M. Vaillancourt espère avoir une réponse de la Commission le plus tôt possible.

Pas plus d'accidents à Portland

Le conseiller municipal Marvin Rotrand, qui siège au conseil d'administration de la STM, se dit conscient des préoccupations des chauffeurs. Il estime toutefois que leurs craintes sont exagérées. Les supports sont utilisés par plusieurs sociétés de transports dans le monde, rappelle-t-il.

«Nous sommes heureux de pouvoir offrir ce service à nos usagers qui font du vélo, dit-il. On a reçu beaucoup, beaucoup de demandes pour des supports. On va lancer le projet-pilote lundi (aujourd'hui), et si ça fonctionne bien, on va l'étendre à d'autres lignes.»

Ces supports ne semblent pas avoir augmenté le nombre d'accidents dans les villes où ils sont utilisés. À Portland, chacun des 650 autobus de la société de transport en est muni. Depuis 1992, date de leur mise en place, les supports à vélos n'ont «pas augmenté le nombre de collisions ou de blessures», assure un porte-parole de TriMet Portland, Colin Maher.

«En fait, les usagers adorent les supports, dit-il. Ils sont bien utilisés et souvent pleins.»