Habitués à crier famine, les arrondissements de Montréal ont eu droit à une année 2010 particulièrement faste, notamment grâce aux températures clémentes de l'hiver dernier et à un boom dans la demande de permis. Au total, les 19 arrondissements ont dégagé des surplus de 82 millions, soit près de 9% de leurs budgets combinés de près de 1 milliard.

Les trois champions, selon une compilation obtenue par La Presse à partir des résultats financiers, sont Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (11,1 millions), Rosemont-La Petite-Patrie (8,5 millions) et Ville-Marie (12,3 millions). Ces arrondissements populeux ont réussi l'exploit d'engranger des surplus représentant 14% de leurs revenus.

Meilleure nouvelle encore, tout indique que l'administration centrale les laissera utiliser ces sommes à leur guise. Dans les années précédentes, les surplus étaient la plupart du temps renvoyés dans les coffres de la Ville.

«C'est exceptionnel, ça ne se reproduira pas l'an prochain, estime François Croteau, maire de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie. On a eu un grand respir avec ce surplus-là mais, depuis la création de l'arrondissement, nos surplus tournent autour de 900 000$ par année. C'est très serré.»

M. Croteau attribue cette bonne performance à plusieurs facteurs qui se sont combinés et qui ne sont pas récurrents. On a par exemple pu récupérer 1,2 million mis en réserve dans le cadre d'un litige avec un employé. Les faibles précipitations de neige de l'an dernier ont permis d'économiser 3 millions; des projets domiciliaires et une hausse des demandes de permis ont en outre dégagé quelques millions supplémentaires. On mettra de côté 1,6 million pour le déneigement de l'an prochain, 1 million pour des imprévus et 5,3 millions pour des projets déjà en cours.

Le maire Croteau insiste: il n'est pas question d'utiliser ce surplus pour assurer, par exemple, le fonctionnement de la future bibliothèque Marc-Favreau. L'arrondissement est en litige avec l'administration centrale, qui refuse de prendre à son compte cette facture annuelle de 2,6 millions. «Ce serait une aberration, en matière de gestion, que de payer une facture de fonctionnement avec un surplus qui n'est pas récurrent, explique-t-il. Nous devons trouver un terrain d'entente avec la Ville. Ce n'est pas à notre arrondissement de retrancher presque 3 millions de ses services. Si on ne s'entend pas, la bibliothèque va rester fermée, point.»

Équité fiscale encore loin

Les deux autres arrondissements gâtés par les surplus en 2010, Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce et Ville-Marie, ont pu compter sur la même bénédiction: des revenus en «imposition de droits» nettement plus élevés que ce qui était prévu, respectivement de 9 et 7 millions de plus. Ces sommes proviennent de la délivrance de permis et d'entrées de fonds générées par deux importants projets sur leur territoire, le CHUM et le CUSM.

Du côté des arrondissements moins gâtés, celui de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension se retrouve avec 2,9 millions, soit 4% de ses revenus. «Ce n'est pas beaucoup, c'est très serré, précise la mairesse, Anie Samson. Ça ne règle pas nos problèmes d'infrastructures vétustes, ça ne nous permet pas d'avoir des projets.» Contrairement à d'autres arrondissements voisins, Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension ne peut miser sur de nouveaux projets résidentiels pour percevoir plus d'impôts fonciers: «Il n'y a plus de grands espaces disponibles, on bâtit sur des structures existantes», ajoute-t-elle.

«La bonne nouvelle, c'est que la Ville nous laisse jouir de nos surplus. Mais le cas de notre arrondissement montre que l'équité fiscale, c'est loin d'être réglé.»