Des milliers de touristes gais et lesbiennes débarqueront à Montréal dans les prochains jours pour le festival Divers/Cité. Une clientèle que s'arrachent plus que jamais les villes, de Las Vegas à Katmandou. La bataille pour le tourisme rose a commencé, et Montréal n'entend pas perdre son rang.

Le Népal a récemment dévoilé sa dernière offre touristique sur le mont Everest. Il n'est pas question ici d'un nouveau trek. Le pays invite plutôt les homosexuels à venir se marier au pied du plus haut sommet du monde.

De la part de cet État hindou réputé conservateur, l'annonce en a surpris plusieurs. D'autres estiment plutôt qu'il s'agit d'une illustration supplémentaire de la lutte que se livrent les destinations touristiques pour le tourisme rose.

«La concurrence devient de plus en plus forte pour le marché gai et lesbien. Tous les pays au monde sont en train de faire des efforts pour attirer cette clientèle», explique Tanya Churchmuch, gestionnaire spécialiste du marché gai et lesbien à Tourisme Montréal.

Il y a tout juste 20 ans, Montréal était l'une des seules villes, avec Provincetown, à viser expressément cette clientèle. Mais la manne n'est pas passée inaperçue.

De Las Vegas à Katmandou en passant par San Francisco, la concurrence n'a jamais été aussi féroce pour attirer le tourisme dit «rose». Les homosexuels - hommes ou femmes - dépensent davantage que les autres touristes et voyagent plus. Ils se sont aussi mieux tirés de la récente crise économique, selon une étude menée par la firme Community Research.

«La clientèle gaie et lesbienne est une belle clientèle qui a des sous à dépenser, qui est là pour faire la fête, avance le directeur de la Société de développement commercial du Village, Bernard Plante. Montréal est une ville de festivals qui a une grande ouverture. La clientèle touristique gaie et lesbienne sait qu'elle sera bien reçue.»

Selon des données de Tourisme Montréal, 8% des quelque 7 millions de touristes qui viennent chaque année à Montréal sont homosexuels. Leurs dépenses représentent toutefois 12% des revenus du tourisme.

«Ça fait 20 ans qu'on cherche à attirer cette clientèle, et ça marche, dit Mme Churchmuch, aussi présidente du conseil d'administration de l'International Gay & Lesbian Travel Association. Mais si on ne faisait rien, si on n'innovait pas, on perdrait notre rang.»

Même certaines «forteresses» ont senti la soupe chaude dans les dernières années. San Francisco n'avait jamais eu de campagne marketing expressément destinée aux gais et lesbiennes. La ville emblématique de la cause homosexuelle n'en avait tout simplement pas besoin. Mais, aux États-Unis, des destinations concurrentes, comme Las Vegas, ont adopté une approche plus dynamique.

«Plusieurs autres destinations se sont mises à s'adresser aux gais et lesbiennes, et on s'est rendu compte il y a quatre ans que San Francisco perdait des parts de ce marché, dit Lynn Bruni, responsable du développement du marché homosexuel à San Francisco. Il fallait réagir.»

La ville a donc mis en place un marketing ciblé au moyen de publicités sur des sites web et dans des publications qui s'adressent aux gais et aux lesbiennes. «On veut dire à ces voyageurs qu'ils peuvent être qui ils sont chez nous, explique Mme Bruni. Ils peuvent marcher dans la rue en se tenant la main. Ils peuvent se sentir tout à fait à l'aise.»

Montréal bien outillé

Dans cette bataille, Montréal est bien armé. La ville a la réputation d'être ouverte aux gais et la cultive depuis longtemps. Elle a aussi des atouts - comme le festival Divers/Cité, qui commence aujourd'hui -, pour attirer des touristes gais.

«On reçoit beaucoup d'Américains, de Français, de Brésiliens, de Mexicains, énumère la directrice de Divers/Cité, Suzanne Girard. L'année dernière, pour la première fois, les Français ont été plus nombreux que les visiteurs de la côte ouest américaine.»

La ville pourrait toutefois pâtir de la légalisation du mariage gai à New York, qui entre en vigueur aujourd'hui. Plusieurs Américains viennent en effet se marier à Montréal, puisque la pratique est illégale dans la plupart des États américains.

Mais pour Tourisme Montréal, il s'agit d'une perte marginale. «Pour des raisons juridiques, il est plus fastidieux de se marier à Montréal qu'à Toronto, par exemple, et la tendance des voyages nuptiaux n'a jamais totalement décollé», explique Tanya Churchmuch.

Selon elle, Montréal fait tout pour rester l'une des destinations roses les plus populaires au monde. «On a été parmi les premiers à avoir un blogueur gai, nous étions parmi les premiers à avoir sur notre site web une section pour les gais et lesbiennes, à avoir des produits exprès pour eux. Nous sommes toujours en train de nous réinventer pour rester devant tout le monde.»

L'image de Montréal est encore très forte dans les communautés homosexuelles, notamment dans le Nord-Est américain, soutient la directrice de Divers/Cité. «Lorsque nous installons notre stand à la marche de la fierté gaie de New York, nous sommes très bien reçus, assure Suzanne Girard. Les gens deviennent fous quand ils voient notre stand. Ils adorent Montréal, son charme, le fait français...»

***

Ça bouge dans le Village

Comme chaque année, le Village se prépare à célébrer sa différence. Le 19e festival Divers/Cité, qui commence aujourd'hui, s'empare du quartier jusqu'à dimanche. Puis les Célébrations de la fierté prendront le relais dans la deuxième semaine d'août. Voici quelques activités à ne pas manquer.

> Divers/Cité : du 25 au 31 juillet

> Lundi 25 juillet : François Ozon est un cinéaste fétiche de la communauté gaie. Divers/Cité prend son envol en diffusant en plein air son dernier film, Potiche. À 21 h au théâtre de Verdure du parc La Fontaine. Premier arrivé, premier servi.

> Samedi 30 juillet : Une soirée sous les étoiles en hommage aux drag-queens, voilà ce que propose la soirée Mascara. Dès 19 h sur la scène TELUS de la rue Berri, elles se succéderont sous les auspices de la plus connue de toutes, Mado Lamotte. « En un clin d'oeil, les drag-queens montréalaises arrivent à séduire des dizaines de milliers de personnes, mais aussi à les faire rire et rêver », assure le communiqué. On promet la plus grande soirée de drag au monde.

> Dimanche 31 juillet : Peut-être le clou du festival, La grande danse promet de transformer la rue Berri en immense piste de danse. De 14 h à 23 h, des DJ vont se succéder sur un thème espagnol. On attend des milliers de participants.

> Célébration de la fierté, du 9 au 14 août

> Du 10 au 14 août : L'exposition Blanc de mémoire entend mettre en lumière 30 ans de lutte contre le sida. L'entrée coûte 6 $, à l'Écomusée du fier monde.

> 14 août : Le traditionnel défilé de la Fierté, qui vise à célébrer le chemin accompli par la communauté LGBT pour faire valoir ses droits, commence à 13 h, à l'angle du boulevard René-Lévesque et de la rue Guy.

***

Le tourisme rose en chiffres



8 % Pourcentage des gais et lesbiennes parmi les 7,6 millions de touristes qui visitent Montréal chaque année.



12 % Les touristes gais et lesbiens ont contribué à 12 % des revenus que génère le tourisme à Montréal, ce qui laisse entendre qu'ils dépensent plus que les autres.

22 % Part des visiteurs du festival Divers/Cité qui sont des touristes de l'extérieur du Québec.

72 000 Nombre de visiteurs au festival Divers/Cité en 2010.

7 millions Le festival Divers/Cité a engendré 7 millions de dollars en dépenses touristiques en 2010.



Sources : Tourisme Montréal et CROP