Un rapport publié hier par l'Institut canadien d'information sur la santé révèle que le nombre de blessures liées au cyclisme reste stable au pays depuis 2001. Mais qu'en est-il à Montréal? Si les statistiques confirment la tendance nationale, le chef des urgences au Centre universitaire de santé McGill, le Dr Jean-Marc Troquet, croit au contraire que l'arrivée du BIXI a fait augmenter le nombre d'accidents de vélo dans la métropole, principalement en raison de l'insouciance de ses utilisateurs.

En sortant d'un spectacle de Rihanna au Centre Bell, le 11 juin dernier, la Montréalaise Jessie Tremblay-Dumais a enfourché un BIXI pour rentrer chez elle. Comme plusieurs utilisateurs de ces vélos en libre-service, la jeune femme de 27 ans n'a pas mis de casque. Quelques rues plus loin, elle a été victime d'un grave accident.

«Je ne porte jamais de casque quand j'utilise le BIXI. Là, j'étais au Centre Bell. Je ne voulais pas en traîner un avec moi», explique-t-elle.

Mme Tremblay-Dumais était presque arrivée à destination lorsque l'accident s'est produit. «J'ai voulu laisser mon BIXI à une station, mais elle était pleine. Je me suis dirigée vers le carrefour au coin de l'avenue Papineau et du boulevard De Maisonneuve», raconte la jeune femme.

Une automobiliste qui roulait en direction sud sur Papineau n'a pas vu le feu rouge à l'intersection du boulevard De Maisonneuve. La voiture a heurté de plein fouet un taxi qui commençait à traverser. Mme Tremblay-Dumais, qui passait au même moment, a été une victime collatérale de la collision. Elle a été happée par le taxi et projetée sur une voiture stationnée. Sous l'impact, son BIXI s'est cassé en deux.

«J'ai eu le bassin et la rotule droite fracturés. Les ligaments du genou gauche déchirés. Et j'ai eu une contusion au poumon droit», énumère la jeune femme qui travaille en marketing chez Ubisoft, à Montréal.

Mme Tremblay-Dumais a tout de même été chanceuse dans sa malchance. «Même si je ne portais pas de casque, je n'ai eu qu'une coupure superficielle à la tête», dit-elle. La cycliste a été hospitalisée pendant cinq jours et elle a dû suivre plusieurs séances de physiothérapie. Elle a dû s'absenter du travail pendant un mois. Aujourd'hui, elle parvient à marcher sans béquille, même si elle attend d'être opérée au genou.

L'infirmière qui a soigné Mme Tremblay-Dumais à l'hôpital lui a dit que, depuis l'arrivée des BIXI à Montréal, le nombre de blessés dans des accidents de vélo est cinq fois plus élevé qu'avant. Un avis partagé par le Dr Jean-Marc Troquet, chef des urgences au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), seul centre de traumatologie du centre-ville de Montréal.

«Je pense qu'il y a plus d'accidents qu'avant. Les gens qui sortent en ville aujourd'hui rentrent en BIXI, même s'ils ont pris de l'alcool. Ils ont l'impression de faire un bon geste en ne prenant pas leur voiture. Mais c'est un problème majeur», dit-il.

Le Dr Troquet ajoute que la majorité des utilisateurs de BIXI ne portent pas de casque. «Le BIXI est utilisé pour se promener d'un endroit à l'autre. Les gens qui le prennent pour, par exemple, aller au musée ne mettent souvent pas de casque», dit le Dr Troquet.

Après son séjour à l'hôpital, Mme Tremblay-Dumais a communiqué avec BIXI pour rapporter l'accident et le bris du vélo. «Je pense que tant qu'à mettre à disposition des vélos, BIXI devrait aussi fournir des consignes de sécurité. L'entreprise pourrait même louer les BIXI avec des casques. On pourrait porter de petits filets à tête», dit Mme Tremblay-Dumais.

Le porte-parole de la Société de vélo en libre-service, qui exploite les BIXI, n'a pas rappelé La Presse.

Pas de preuve

En 2008, l'année précédant l'arrivée des BIXI à Montréal, trois cyclistes sont morts sur les routes de la métropole, selon les données du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). L'an dernier, quatre personnes ont perdu la vie dans des accidents de vélo et trois depuis le début de l'année. On ne note donc aucune augmentation du nombre de morts. Le nombre total de blessés, lui, a légèrement augmenté depuis quelques années. Le directeur de la recherche à Vélo-Québec, Marc Jolicoeur, souligne toutefois qu'aucune donnée ne prouve que le nombre d'accidents de vélo a augmenté depuis l'arrivée des BIXI en 2009. «Il faudrait des données pour affirmer ça, et les statistiques ne le montrent pas», dit-il.

«Peut-être que mon témoignage est anecdotique. Mais j'en ai vu beaucoup, de ces cas. Il faudrait une analyse plus poussée», estime pour sa part le Dr Troquet.

Le Dr Patrick Morency, de la Direction de la santé publique de Montréal, affirme que le BIXI est au contraire perçu comme «une bonne nouvelle» par la santé publique. «Parce que ça augmente le nombre de cyclistes, et on sait que le vélo, c'est bon pour la santé», dit-il. Le Dr Morency indique que ce n'est pas le BIXI qui met les cyclistes en danger, mais plutôt «le manque de sécurité de certaines routes».

«Pour diminuer les risques à vélo, il faut continuer d'améliorer les infrastructures», dit-il.

Photo: François Roy, La Presse

Un homme se promène en Bixi dans le Vieux-Montréal avec son fils sur le porte-bagages.