Des festivals montréalais outrepassent fréquemment leurs pouvoirs en empêchant les festivaliers d'accéder à leur site avec une bouteille d'eau ou de la nourriture. La Ville de Montréal a même donné un avertissement formel hier au festival Divers/Cité, à la suite d'une plainte d'un citoyen.

L'homme en question, André Querry, cherchait à rentrer jeudi au festival Divers/Cité quand un agent de sécurité l'a obligé à vider sa bouteille d'eau. Cette demande contrevient pourtant aux règlements municipaux.

«Les agents de sécurité de Divers/Cité m'ont dit: «Tu ne rentres pas avec de l'eau ici, c'est la consigne», explique M. Querry. Ça m'arrive tout le temps dans les festivals. Même s'ils n'ont pas le droit de faire ça.»

Selon lui, ce genre d'incidents est courant à Divers/Cité, un festival qui a lieu jusqu'à dimanche au centre-ville de Montréal. «L'an passé, mon copain s'est fait confisquer un pot avec un restant de yogourt. Mais j'ai vu ça ailleurs. J'ai vu des agents de sécurité empêcher une famille de rentrer au Festival de jazz parce qu'ils avaient du Coke dans des verres de plastique.»

Les règlements municipaux sont pourtant clairs. Les festivals ne peuvent interdire aux festivaliers de rentrer sur leur site avec des boissons non alcoolisées ou de la nourriture.

«Pendant toute la durée des festivals, on donne le droit aux organisateurs de vendre des boissons et de la nourriture sur l'espace public, explique Daniel Bissonnette, directeur associé cinéma, festivals et événements à la Ville de Montréal. Mais les festivals n'ont pas le droit de refuser des visiteurs qui ont de l'eau, des boissons non alcoolisées ou de la nourriture. La situation est tout à fait claire.»

«Quelqu'un qui apporterait de la nourriture en grande quantité ou 50 bouteilles d'eau, à la rigueur, on pourrait se poser des questions, dit-il. Peut-être que ces gens chercheraient à faire de la revente. Mais on ne peut pas refuser l'entrée à un festivalier avec une pointe de pizza ou une bouteille d'eau.»

Avertissement

La Ville de Montréal a donc averti formellement hier le festival Divers/Cité. «Chaque fois que l'on reçoit la plainte d'un citoyen, on avertit le festival. On a averti Divers/Cité qu'il était interdit de refuser des gens avec de l'eau ou de la nourriture. On s'attend à ce qu'ils corrigent la situation. En plus, ça nuit à leur image.»

Le festival Divers/Cité a confirmé avoir reçu un avertissement de la Ville. «L'équipe m'a dit qu'elle avait été avisée de la situation et qu'elle travaillait activement à trouver une solution harmonieuse», a dit Marie-Hélène Chrétien, de Desruisseaux communications, firme responsable des relations de presse de l'événement.

Selon André Querry, il serait surprenant qu'il s'agisse d'une erreur de jugement des agents de sécurité. «L'agent m'a dit que c'était une consigne de ne rien laisser passer, pas même de l'eau», dit-il. Le Montréalais est convaincu que les festivals donnent ces consignes dans le but de vendre davantage de boissons et de nourriture dans les concessions officielles de l'événement.

L'avocat Julius Grey trouve de son côté aberrant le comportement du festival, qui tend à «renforcer l'aspect très conformiste de notre société, où les gens pensent qu'il faut toujours obéir». «Ça mène à des abus», dit-il.

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Légitimes, les fouilles?

Les employés à l'entrée des festivals ont-ils le droit de fouiller les visiteurs? La réponse varie, selon qu'elle vient de la Ville de Montréal ou de deux avocats consultés par La Presse. Selon Jean-Claude Hébert et Julius Grey, seuls des policiers sont habilités à fouiller les gens sur l'espace public. Or, lors des festivals, la sécurité est surtout l'affaire d'employés ou de firmes de sécurité privées. «Le droit de fouille dans un endroit public n'est pas reconnu à n'importe qui, rappelle Me Jean-Claude Hébert. Les agences de sécurité privées n'ont pas plus de droits que les citoyens, et les citoyens n'ont pas le droit de fouille sur la voie publique.» Julius Grey abonde dans le même sens. «A-t-on droit de vous fouiller contre votre gré à l'entrée d'un festival? Si ce n'est pas fait par un policier, la réponse est non.» Selon eux, un festival qui a lieu sur la voie publique ne pourrait refuser l'entrée à une personne qui refuse la fouille. À la Ville, on admet qu'il y a «des zones grises». Les festivaliers qui ne veulent pas être fouillés n'ont qu'à rentrer chez eux, note Daniel Bissonnette, directeur associé cinéma, festivals et événements. «Ce serait ingérable si tout le monde refusait la fouille», dit-il. Il fait néanmoins la distinction entre la fouille d'un sac, correcte selon lui, et une fouille corporelle, qui n'a pas sa place.