Une imposante structure de béton s'est effondrée dans le tunnel Ville-Marie à Montréal, dimanche matin, recouvrant les trois voies rapides de l'autoroute 720, en direction est. Par miracle, l'incident survenu un dimanche en pleines vacances de la construction n'a fait aucun blessé. Le ministre des Transports Sam Hamad a exigé un rapport détaillé, mais la colère enfle, à Montréal comme à Québec.

Durant la semaine, 100 000 voitures empruntent chaque jour le tunnel Ville-Marie. Par chance, dimanche matin vers 9h10, aucune automobile ne circulait sur les deux voies ouvertes de l'autoroute 720 en direction est, près des rues Saint-Antoine et avenue Hôtel-de-Ville, quand des paralumes sont tombés sur les voies rapides. La poutre soutenant cette imposante structure de béton qui permet aux conducteurs d'éviter d'être éblouis par la lumière, a cédé pour des raisons encore inconnues.

Effondrement

L'alerte a été donnée par des ouvriers chargés de travaux d'entretien sur les murs de soutènement dans le tunnel. «Ils ont vu la poutre se détacher et se retrouver sur les trois voies rapides», a expliqué dimanche matin Daniel Thibaudeau, porte-parole de la Sûreté du Québec. L'un des travailleurs a dû être transporté à l'hôpital pour un choc nerveux.

À l'instar d'un plafond suspendu, les paralumes sont installés sur des poutres d'une vingtaine de mètres de large, qui sont elles-mêmes appuyées sur des murs de soutènement. Or dimanche matin, les ouvriers étaient à amincir à coups de marteaux-piqueurs l'un de ces murs quand la poutre appuyée au-dessus de leurs têtes a cédé, entraînant dans sa chute les paralumes qu'elle retenait.

Il s'agit d'une façon de procéder usuelle quand vient le temps de réparer une telle structure, assure Caroline Larose, porte-parole du ministère des Transports (MTQ). «On enlève toujours une couche de béton de façon à pouvoir refaire les coffrages et revenir couler du béton, ce qui nous permet de solidifier la structure.»

Une inspection minutieuse de la structure en 2008 et une autre, plus sommaire, en 2010 ont révélé des faiblesses dans les murs de soutènement, incitant le MTQ à les solidifier, a indiqué le ministre Sam Hamad. Les travaux avaient été confiés à la firme Laco Construction, qu'il a été impossible de joindre dimanche soir.

Ces travaux sont-ils à l'origine de l'incident ? Le ministère des Transports reste prudent. «Je ne veux pas spéculer. Quand on aura toute l'information, on le dira», a dit Caroline Larose.

Pas de panique à la Ville et au gouvernement

Le ministre des Transports Sam Hamad est venu de Québec constater l'ampleur des dégâts, dimanche, en fin de journée, et a demandé un rapport d'inspection détaillé aux experts du ministère. «On a été chanceux», a-t-il reconnu d'entrée de jeu, personne n'ayant été blessé.

Malgré ce nouvel accident venant s'ajouter à une longue liste de précédents (voir encadré), le ministre a tout de même tenu à assurer la sécurité du réseau routier. «Toutes les routes qui sont ouvertes sont sécuritaires selon le ministère des Transports. Il n'y a aucun compromis avec la sécurité au Québec. Lorsqu'un pont est ouvert ou une route est ouverte, c'est parce que c'est sécuritaire», a-t-il répété à plusieurs journalistes. Lorsqu'on lui souligne que l'A720 était ouverte au moment de l'effondrement, celui-ci réplique «qu'il y avait des travaux et une partie était fermée».

Le MTQ tout comme le maire de Montréal refusent de céder à la panique. «Je suis préoccupé, mais ce n'est pas une raison pour paniquer. Oui, on doit être préoccupé (par cette chute), car ça s'additionne aux questions sur le pont Mercier et le pont Champlain, mais on travaille pour dire que l'on ne minimisera pas les efforts pour la sécurité de nos citoyens», a promis Gérald Tremblay, dimanche, en fin de journée.

La Ville a investi en 2011 pas moins de 240 millions $ dans ses infrastructures, et Montréal multiplie les représentations auprès de Québec et Ottawa pour combler un déficit d'investissement chiffré à 121 milliards, se défend Gérald Tremblay. «C'est beaucoup de sous, mais il y a des solutions et nous sommes en mode solution. Notre priorité, c'est la sécurité des citoyens.»

Colère

Mais les critiques sont nombreuses après cette nouvelle chute de béton. «C'est une preuve de plus de l'état de déliquescence de nos routes. Tout ce qui a été construit dans les années 60 et 70 paraît être arrivé en fin de vie. Le ministère des Transports investit trop dans le réseau routier, et pas assez dans son entretien», croit Richard Bergeron. Le chef de Projet Montréal fustige également le manque d'initiative du Ministère et de la Ville pour favoriser les transports en commun.

La construction du centre de recherche du CHUM, près du tunnel Ville-Marie, a de quoi éveiller des craintes quant à la résistance des paralumes dans le secteur. «Pour moi, ce serait irresponsable de ne pas démolir le reste des paralumes. Il faut penser à des solutions temporaires, mais on ne peut pas ouvrir l'autoroute avant d'avoir démoli les structures semblables à celles qui se sont écroulées», dit-il.

Le gouvernement n'a tiré aucune leçon de l'effondrement, en 2006, du viaduc de la Concorde, déplore quant à lui Nicolas Girard, critique de l'opposition officielle en matière de transports. «On paie le prix de l'inaction du gouvernement dans le dossier et du manque de ressource du ministère», dit-il.

Nicolas Girard demande maintenant au gouvernement de rendre public le dernier rapport d'inspection du tunnel Ville-Marie. «Les Québécois ont le droit de connaître l'état de leurs infrastructures. Il faut mettre fin à la culture du secret du MTQ», dit-il. Le gouvernement doit maintenant répondre à de nombreuses questions selon lui. «Il y a urgence d'agir. Est-ce qu'on investit suffisamment d'argent? Est-ce que le ministre va faire preuve de transparence? Ce sont des questions fondamentales. Il y a eu plusieurs incidents inquiétants, et celui-ci aurait pu avoir des conséquences dramatiques.»