La contre-attaque de la Ville de Montréal contre le vérificateur général, accusé notamment d'avoir communiqué avec l'opposition pour critiquer l'administration Tremblay, est «de la pure fabulation», a dénoncé Louise Harel.

Cette affirmation se trouve dans la poursuite de la Ville qui vient d'être déposée en cour. Selon la chef du parti de l'opposition Vision Montréal, «c'est une tentative de diversion pour faire oublier le caractère illégal de l'interception des courriels. Le maire Tremblay a toujours voulu mettre le vérificateur général en quarantaine pour le discréditer, pour diminuer sa capacité de travailler.» Mme Harel a déclaré cela hier matin, en marge d'une conférence de presse dans l'arrondissement du Sud-Ouest.

La réplique du maire Tremblay, cinglante, est tombée en fin de journée: «Ce n'est pas de la fabulation, ce sont des faits, a-t-il déclaré en point de presse. C'est Mme Harel qui doit s'expliquer. C'est inacceptable que Vision Montréal aille consulter le vérificateur général pour préparer ses questions au conseil.»

Le 18 mars dernier, après avoir découvert que ses courriels avaient été interceptés sur une période de 10 mois en 2010, le vérificateur général avait déposé une poursuite contre la Ville et certains hauts fonctionnaires. Il alléguait que les agissements «illégaux» dont il avait été victime avaient porté atteinte à son intégrité et à sa réputation.

Un mystérieux courriel

Cette semaine, la Ville a répliqué en demandant le rejet de cette action, notamment parce que l'enquête, dont a été l'objet M. Bergeron, avait permis de découvrir des irrégularités. On reproche également au vérificateur général d'avoir communiqué avec le bureau de l'opposition officielle pour l'aider à critiquer l'administration Tremblay.

Plus précisément, le document de la Ville fait référence à un courriel envoyé par la secrétaire de M. Bergeron qui explique à son patron que le directeur de cabinet de Mme Harel veut lui parler. «Avant le week-end, car il se peut que tu doives documenter la question et te préparer pour lundi», précise la secrétaire.

On ignore la réponse du vérificateur général à cette demande pressante. Ce courriel n'était toujours pas déposé en cour hier en fin de journée; le maire a promis qu'il le serait bientôt, sous scellés. Il pourrait être accessible au public dans les prochains jours.

Impartialité complète

L'accusation de collusion entre Vision Montréal et le vérificateur général a fait bondir Louise Harel, qui a martelé à plusieurs reprises qu'elle considérait le bureau du vérificateur comme «une institution autonome et indépendante». Elle a rappelé que le 6 décembre 2010, M. Bergeron avait envoyé aux 65 élus mont-réalais une lettre dénonçant le transfert de la gestion de la ligne éthique de son bureau au Service du contrôleur général, Pierre Reid.

«Mon directeur de cabinet a transmis une demande pour savoir s'il souhaitait être entendu par les membres du conseil, a expliqué Mme Harel. Il est tout à fait dans la nature des liens que les élus ont avec le vérificateur général que de lui demander une chose comme celle-là.»

En 28 ans de carrière à l'Assemblée nationale, a précisé la chef de l'opposition, elle a communiqué à de nombreuses reprises avec le vérificateur général. «Il travaille avec l'administration et les élus.»

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a qualifié avec ironie ce nouvel épisode d'«acte 26, 28 ou 32 de cette dispute entre Gérald Tremblay et le vérificateur général de la Ville». L'accusation de collusion avec l'opposition, «ça me semble très léger, a-t-il indiqué en point de presse hier après-midi. Je vous le dis tout de go, nous aussi, nous avons parfois communiqué avec le vérificateur, mais à chaque fois, pour des questions d'informations de base. Jamais il ne s'est départi de son impartialité complète quand il nous a répondu.»

Gérald Tremblay, estime-t-il, «est le seul à prétendre qu'il avait le droit d'espionner le vérificateur général. Tout le monde est d'un avis opposé, le ministre des Affaires municipales, le vérificateur général du Québec, moi.»

Le maire s'est défendu en assurant qu'il ne faisait que répliquer à la poursuite inappropriée du vérificateur général. «J'ai fait ce que j'avais à faire. Ma responsabilité, c'est de protéger nos employés qui ont agi de bonne foi et au meilleur de leurs connaissances à la suite d'allégations d'irrégularités». Il a qualifié les déclarations de ses adversaires de «petite politique», les accusant de semer la zizanie et la chicane «au lieu de construire la métropole».