Le ministre fédéral des Transports, de l'Infrastructure et des collectivités, Denis Lebel, a annoncé mercredi la construction d'un «nouveau pont sur le Saint-Laurent» de 5 milliards, en affichant une «préférence marquée» pour sa réalisation en partenariat public-privé (PPP) et pour l'imposition d'un péage aux automobilistes qui l'emprunteront, à compter de 2021.

L'éventualité d'un péage sur un nouveau lien qui remplacerait le pont Champlain a aussitôt suscité «un bémol» des entreprises de camionnage, un appel à l'équité de la coalition Champlain en chantier et des réactions contradictoires du ministre des Transports du Québec, Pierre Moreau. Le ministre s'est d'abord dit opposé à un péage sur ce nouveau pont, avant d'affirmer, quelques heures plus tard, qu'il serait ouvert à une formule de «péage modulé», qui éviterait de pénaliser les résidents de Brossard, parce qu'ils n'ont pas le choix d'emprunter ce pont vers Montréal.

L'absence de tout représentant du gouvernement du Québec à cette annonce fédérale, qui constitue une des meilleures nouvelles pour la région métropolitaine depuis fort longtemps en matière de transport, a aussi fait jaser, mercredi. Le ministre Lebel a assuré que le projet sera «100% fédéral», et qu'il comportera un volet transports en commun dont la responsabilité incombera au gouvernement provincial et aux municipalités concernées, sans donner plus de précisions. Le coût estimé de 5 milliards que le ministre fédéral a avancé inclut «tous les éléments du nouveau pont», mais pas les équipements de transports collectifs qui pourraient y être implantés dans les prochaines années.

«Le Québec nous dit depuis plusieurs mois que le gouvernement fédéral doit prendre ses responsabilités dans le dossier du pont Champlain», a souligné M. Lebel lors d'un court entretien avec La Presse. «Aujourd'hui, le gouvernement du Canada fait son travail. Québec ne nous a pas invités quand il a inauguré le pont à péage de l'autoroute 25, parce que c'est une propriété provinciale, et je n'ai pas de problème avec ça», a-t-il ajouté en réponse aux commentaires du ministre Moreau, qui s'était déjà prononcé contre le péage avant même que M. Lebel ait fait son annonce.

Cela dit, le ministre Lebel ne croit pas que les cafouillages de mercredi sont de mauvais augure pour les relations entre Ottawa et Québec concernant la construction de l'ouvrage qui remplacera le pont Champlain, qui est en fin de vie utile. Il a toutefois indiqué qu'il n'y a pas encore eu de discussions entre les deux gouvernements quant à un éventuel partage des coûts de construction.

L'annonce de mercredi était d'ailleurs dépourvue de tout artifice. Aucune illustration n'a été présentée pour montrer à quoi pourrait ressembler le nouveau pont. Le ministre Lebel n'a pas proposé d'échéancier non plus, indiquant seulement qu'un projet de cette ampleur devrait prendre 10 ans, et «qu'on espère pouvoir réduire ces délais». Il a par ailleurs précisé que le futur pont pourrait avoir huit voies de circulation, au lieu de six, y compris deux voies réservées aux autobus ou à un autre mode de transport collectif, comme l'a suggéré une étude de préfaisabilité publiée en juillet dernier par son ministère. La seule certitude quant à la forme que prendra cet ouvrage est qu'Ottawa semble avoir définitivement écarté l'option du tunnel.

Excellente nouvelle

Joint par La Presse mercredi, le PDG de l'Association du camionnage du Québec, Marc Cadieux, a indiqué que l'annonce fédérale était «une excellente nouvelle», même si la probabilité d'un péage «ne constitue pas le premier choix» de cette industrie. M. Cadieux a insisté sur le fait qu'en raison de la situation économique et des besoins pressants en matière d'infrastructures, l'ACQ «fait preuve de réalisme» au sujet du paiement d'un droit de passage sur le futur pont. Il a toutefois indiqué que ses membres s'attendent, en contrepartie, à ce qu'un nouveau pont à péage améliore les conditions actuelles de circulation, lesquelles coûtent une fortune aux transporteurs en temps perdu et en carburant.

Sur la Rive-Sud, le porte-parole de la coalition Champlain en chantier, Jacques Olivier, s'est quant à lui réjoui de l'engagement du gouvernement Harper pour la construction d'un nouveau lien. Selon lui, l'imposition d'un tarif à l'entrée du nouveau pont Champlain serait inéquitable pour les automobilistes de la Rive-Sud, et devrait être étendue à l'ensemble des ponts donnant accès à l'île de Montréal. Il a toutefois tenu à minimiser la controverse naissante sur cette question en indiquant qu'un péage «n'entrera en vigueur que dans 10 ans», et que, dans l'intervalle, les gouvernements provincial et fédéral, de même que les municipalités de la région métropolitaine, «devraient être assez matures pour trouver une formule qui fera l'unanimité» des décideurs concernés.

La question du péage mise à part, le ministre des Transports du Québec, Pierre Moreau, a déclaré que l'annonce du remplacement du pont Champlain était une très bonne nouvelle, et a affirmé «qu'à titre de principal intervenant dans ce dossier avec le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec sera heureux de collaborer pour s'assurer que toutes les étapes du projet puissent être faites dans les meilleurs délais et, espérons-le, comme M. Lebel l'a indiqué lui-même, puissent même être devancées».

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard