Les six tunnels ferroviaires qui mènent à la gare Penn Station de New York sont plus vieux que le tunnel sous le mont Royal. Mais contrairement à lui, ils sont tous équipés de sorties de secours, qui viennent d'être rénovées à grands frais après une série d'incendies survenus à la fin des années 90, selon des documents consultés par La Presse.

Les cris d'alarme lancés par le Département fédéral des transports, à Washington, et par le commissaire aux incendies de la Ville de New York, en 2000, ont incité les trois grands transporteurs ferroviaires qui les utilisent à investir près de 1 milliard US, en 10 ans, pour assurer la sécurité de centaines de milliers d'usagers qui traversent ces tunnels chaque jour.

Nombreux travaux

Les deux tunnels sous la rivière Hudson qui relient le New Jersey à Penn Station, dans l'île de Manhattan, ont bénéficié d'investissements de 480 millions de dollars US pour moderniser la ventilation mécanique, installer des bornes d'incendie et construire de nouveaux escaliers pour faciliter la sortie des usagers, en cas d'évacuation d'urgence.

C'est dans ces tunnels que circuleront les nouvelles locomotives bimodes de New Jersey Transit, identiques à celles qu'a commandées l'Agence métropolitaine de transport (AMT) pour traverser le tunnel du mont Royal.

Des travaux similaires seront complétés d'ici quelques mois dans les quatre autres tunnels de Penn Station reliant Manhattan et Long Island, utilisés par Long Island Rail Road (LIRR) et le transporteur ferroviaire national Amtrak.

Propriétaire des tunnels et de Penn Station, Amtrak investira notamment 21,6 millions US, cette année, pour l'installation d'un système de «bornes sèches» (standpipes) qui fourniront l'eau dans tous les tunnels, en cas de feu. À elle seule, cette somme dépasse les 20 millions prévus par l'AMT, d'ici cinq ans, pour l'ensemble des mesures d'amélioration de la sécurité dans le tunnel du mont Royal.

Le 31 octobre, La Presse a révélé les conclusions d'un rapport d'experts commandé par l'AMT et soulignant que ce tunnel ne répond pas aux normes antiincendies les plus élémentaires. Quatre jours plus tard, l'AMT a diffusé un deuxième rapport affirmant qu'il est impossible de ramener de vieux tunnels aux normes actuelles.

Ce rapport omettait toute comparaison avec les tunnels ferroviaires de Penn Station malgré plusieurs similitudes évidentes. La construction de ces derniers a été complétée en 1910, huit ans avant l'ouverture du tunnel du mont Royal. Les tunnels de Manhattan et de Montréal sont utilisés par des trains de banlieue, tous les jours.

Des tunnels moins longs

Les tunnels qui passent sous l'Hudson et l'East River pour rejoindre Penn Station, à Manhattan, sont moins longs que le tunnel du mont Royal, mais ils ont toujours été munis de sorties de secours. En 2000, toutefois, un rapport du Département fédéral des transports décriait la vétusté de la ventilation et des escaliers de secours. Il déplorait qu'Amtrak tarde à apporter les correctifs.

Les escaliers dans les sorties de secours des tunnels de l'East River, explique le rapport, étaient construits en spirale. Leur pente était abrupte et ils n'avaient pas de paliers. Dans certains cas, il fallait grimper l'équivalent de 10 étages pour déboucher à l'air libre. En cas d'évacuation, il existait de sérieux risques d'encombrement si les pompiers descendaient les escaliers pendant que les passagers les remontaient.

Le rapport de l'inspecteur général du Département des transports soulignait que quatre incendies avaient éclaté dans ces tunnels ou à proximité de Penn station dans les cinq années précédentes. Au cours de l'incident le plus grave, une explosion et un incendie ont éclaté dans un train du Long Island Rail Road (LIRR) qui roulait dans un tunnel sous l'East River: 33 personnes ont dû être soignées pour avoir aspiré de la fumée, et 16 passagers ont dû être transportés à l'hôpital.

Entre août et décembre 2000 seulement, trois locomotives bimodes du LIRR avaient pris feu. Un de ces incendies a débuté alors que le train sortait d'un des tunnels. Un autre incendie a nécessité une évacuation complète des passagers.

Ces incidents, et la vétusté des installations de sécurité en cas d'incendie, ont incité le Département des transports à recommander la mise en place d'un programme de 900 millions, pour la période 2000-2010, afin d'améliorer la sécurité de ces infrastructures. Les coûts du programme ont été partagés entre les trois transporteurs (Amtrak, New Jersey Transit et LIRR), avec des contributions du gouvernement fédéral des États-Unis.

De nouveaux puits

Les vieux escaliers d'évacuation et les puits de ventilation des tunnels de la rivière Hudson, vers le New Jersey, ont été démolis. De nouveaux puits ont été creusés jusqu'au tunnel, à 25 mètres (80 pieds) de profondeur, selon un document de New Jersey Transit.

Des escaliers plus larges, construits en «ciseau» plutôt qu'en spirale, ont été conçus pour permettre une évacuation rapide et sécuritaire. Toutes les 12 ou 14 marches, un palier permet à certains passagers de s'arrêter, pour reprendre leur souffle, sans entraver les mouvements des autres.

Sur les rives de l'Hudson, un bâtiment de quatre étages abrite désormais les quatre grandes hélices du système de ventilation, permettant à la fois d'évacuer la fumée et d'injecter de l'air frais dans les tunnels.

Pas de sorties de secours ici

Selon un document d'Amtrak, des stations de ventilation semblables ont aussi été construites à Long Island et à Penn Station. La quatrième, qui s'élève sur la Première avenue, à Manhattan, est en voie d'être complétée.

Par contraste, l'AMT a estimé qu'il n'est «pas nécessaire» de creuser des sorties de secours dans le tunnel du mont Royal, construit entre 1916 et 1918. Le 3 novembre, en réaction aux premiers articles de La Presse sur le sujet, Joël Gauthier, son président, a annoncé des investissements de 20 millions de dollars en cinq ans. Le «plan d'action» prévoit un trottoir, en bordure des voies, pour faciliter la marche dans le tunnel. Il comprend l'amélioration de l'éclairage et des systèmes de télécommunications. L'AMT, qui relève du ministre des Transports du Québec, s'engage aussi à réaliser une «étude de faisabilité» sur l'implantation d'une ventilation mécanique. Aucune sortie de secours n'est prévue.