Les Québécois ont vu leurs comptes d'impôt foncier augmenter deux fois plus vite que l'inflation depuis cinq ans, révèle une compilation effectuée par La Presse. Et c'est de loin dans la région de Montréal que les propriétaires paient les taxes les plus élevées.

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À l'heure des budgets municipaux, La Presse a calculé l'évolution des comptes de taxes grâce aux centaines de données compilées par le ministère des Affaires municipales (MAMROT). Un constat s'impose: ceux qui rêvent d'un gel de taxes devront en faire leur deuil. Depuis cinq ans, seulement 20 des 1062 municipalités analysées ont réussi à maintenir ou à réduire le fardeau fiscal de leurs citoyens.

À l'inverse, les hausses salées sont beaucoup plus répandues. Les données du MAMROT révèlent que près de la moitié des villes ont même augmenté leurs taxes à un rythme trois fois plus élevé que l'inflation, établie à 10,4% depuis cinq ans, selon la Banque du Canada. C'est le cas notamment de Saguenay, où les propriétaires ont vu leur fardeau augmenter de 33% depuis 2006. La cité du maire Jean Tremblay reste toutefois la grande ville québécoise la moins taxée, avec un compte de taxes moyen de 2143$.

Notre compilation des comptes d'impôt foncier distribués dans 1062 des quelque 1100 municipalités québécoises démontre que les propriétaires de la région métropolitaine paient leurs services municipaux nettement plus cher. Le compte de taxes moyen s'élève à 3266$ dans la grande région de Montréal, alors qu'il est de 2062$ dans la région de Québec et de 1435$ dans le reste de la province.

Parmi les 10 grandes villes du Québec, c'est d'ailleurs à Montréal que les taxes municipales sont les plus élevées. Le compte moyen a atteint 3992$ en 2011, en hausse de 16,6% depuis 2006. Reste que, à 351 000$, la propriété montréalaise moyenne vaut nettement plus cher que celle des autres grandes villes.

Pour habiter sur l'île, les propriétaires doivent s'attendre à payer plus cher d'impôt foncier. Toutes villes confondues, le compte moyen dans l'île est de 5929$. Dès qu'on sort de l'île, le compte de taxes moyen tombe de moitié. Seule consolation, les comptes de taxes dans les couronnes nord et sud a augmenté deux fois plus vite que sur l'île depuis cinq ans.

Un plafond, S.V.P.

L'augmentation rapide de l'impôt foncier provoque de plus en plus de grogne au Québec. De Montréal à Percé, plusieurs villes ont vu des groupes de citoyens se former pour contester principalement l'évaluation municipale des maisons, valeur sur laquelle les comptes de taxes sont établis.

Ancienne conseillère municipale, Diane Lachaine a fondé le Regroupement évaluation équitable afin de militer pour l'adoption d'un plafond sur la hausse de l'évaluation des propriétés. Alors que la valeur des maisons a explosé de 52% depuis cinq ans, les municipalités auraient dû ajuster leur taux d'imposition pour éviter de voir le boom immobilier entraîner à la hausse les comptes de taxes.

Mais voilà, plusieurs administrations maintiennent leur taux d'imposition, disant geler les taxes. Dans les faits, la hausse de valeur des maisons a grandement contribué à faire gonfler le compte d'impôt foncier des Québécois, explique Mme Lachaine.

Un plafond à l'évaluation des propriétés, c'est exactement la solution que la Nouvelle-Écosse expérimente depuis 2005. La valeur d'une résidence ne peut pas augmenter plus rapidement que l'inflation, a décrété le gouvernement néo-écossais.

À l'origine, l'objectif était de protéger les propriétaires qui voyaient leur évaluation foncière exploser, ce qui entraînait dans son sillage leur compte de taxes. Le programme profite aujourd'hui à tous, estime l'ancien ministre des Affaires municipales, Barry Barnet, qui a lancé l'expérience. «Ce qu'on voulait, c'était rendre les comptes de taxes prévisibles. Ce n'est pas normal que les gens reçoivent de fortes hausses certaines années parce que la valeur de leur propriété a explosé.»

Selon l'ancien élu conservateur, le système d'impôt foncier retenu notamment par le Québec est profondément inéquitable. «Le problème avec ce système, c'est qu'il ne tient pas compte de la capacité de payer des propriétaires, de l'évolution de leurs revenus.»

Ailleurs en Amérique

La Nouvelle-Écosse, qui a changé de gouvernement depuis, a réévalué le programme en 2010 et décidé de le conserver devant sa vaste popularité: 90% des propriétaires ont demandé son maintien dans un sondage commandé par le gouvernement.

Le programme importé de la Californie fait d'ailleurs boule de neige en Amérique. Deux autres provinces canadiennes ont emboîté le pas à la Nouvelle-Écosse depuis 2005 et 19 États américains plafonnent aujourd'hui les hausses de valeurs foncières.

Ce plafond rencontre toutefois beaucoup de résistance auprès des élus municipaux. Les municipalités néo-écossaises se battent depuis cinq ans pour faire abolir le programme imposé par leur gouvernement provincial. «C'est un outil strictement politique. Les citoyens pensent qu'ils économisent de l'argent, mais dans les faits, ça leur coûte plus cher, en particulier les pauvres», estime Lloyd Hines, ancien président de l'Union des villes de Nouvelle-Écosse.

L'ancien ministre Barry Barnet juge au contraire que ce système force les villes à jouer franc-jeu avec leurs citoyens. Plutôt que laisser la hausse de la valeur des maisons augmenter leurs revenus, ce système oblige les villes à annoncer les hausses de taxes dans leurs budgets.