À moins d'une entente de dernière minute, les cols bleus de Laval seront en grève à minuit ce soir, une première en 15 ans.

Comme en 1997, ce sont surtout les jeunes patineurs qui seront touchés. Les organisateurs du Championnat provincial de hockey mineur ont dû refaire toute leur programmation pour accueillir quelque 5000 hockeyeurs de 10 à 21 ans. La tâche de remplacer les sept arénas de Laval qui risquent d'être touchés par la grève a été «infernale», selon Michel Demers, président de Hockey Laval.

«Nos bénévoles sont à fleur de peau, ils sont stressés, ça fait un an et demi qu'ils travaillent là-dessus. Mais là, on sent que c'est bon: la compétition va avoir lieu. Les cols bleus feront ce qu'ils voudront, on n'est plus là. On ne veut plus courir de risques.»

L'organisme a appris le 5 avril dernier qu'il devrait vraisemblablement faire une croix sur 7 des 12 arénas où devait se dérouler la Coupe Dodge (les 5 autres sont situés à Montréal). Cette classique, surnommée «la Coupe Stanley du hockey mineur», réunit les équipes championnes des régions du Québec depuis 34 ans .

M. Demers n'a pas voulu préciser quels autres arénas de la région ont été mis à contribution. «Il y en a à Montréal et dans la couronne nord. On s'est donné comme mot d'ordre de tout révéler seulement quand ça va être fini. On ne veut pas créer de l'incertitude.»

À la Ville de Montréal, on confirme l'intention de donner un coup de pouce aux organisateurs lavallois, sans pouvoir indiquer si on a pu libérer des heures de glace. «On a entendu l'appel à l'aide de Hockey Laval, on y travaille, on espère trouver une solution pour les dépanner», dit Philippe Sabourin, porte-parole.

Négociations

Michel Demers, qui a fait appel dans les médias au «sens de la famille, du coeur et de l'honneur» des cols bleus de Laval, ne se retient pas pour dénoncer les travailleurs. La grève coïnciderait avec le premier jour du Championnat, qui accueillera les équipes de hockey féminin du 12 au 14 avril. Les hockeyeurs masculins joueront du 18 au 22 avril. «Ils se sont servis de nous, c'est évident. Je trouve ça dommage, on s'attaque à des enfants et à des bénévoles.»

Le syndicat des cols bleus de Laval n'a pas répondu aux appels de La Presse. Par communiqué, son président, Martin Gagnon, a dénoncé la semaine dernière les dirigeants municipaux «qui ont laissé pourrir la situation pour ensuite pouvoir blâmer les cols bleus». Il a du même souffle invité la Ville à négocier de bonne foi. Une rencontre avec le conciliateur nommé par Québec a d'ailleurs eu lieu hier et une deuxième est prévue demain. Rien n'a filtré des discussions.

«Tous les services seront offerts»

Les 580 cols bleus de Laval sont sans convention collective depuis février 2010. Leur grève, adoptée avec 96% d'appuis, a été déclarée légale par la Commission des relations de travail, qui les a obligés à assurer une longue série de services essentiels. Concrètement, ils auront le droit de refuser de faire des heures supplémentaires et ne s'occuperont plus des arénas.

«Il n'y aura pas de grand dérangement pour la majorité de la population, assure Nadine Lussier, porte-parole de la Ville de Laval. Tous les services habituels - colmatage des nids-de-poule, nettoyage printanier, enlèvement des ordures - seront offerts.»

L'administration municipale, affirme Mme Lussier, souhaite en arriver à une entente «qui prenne en considération le contexte économique difficile». Aucune partie n'a divulgué jusqu'à maintenant ses demandes dans les médias. «La Ville ne souhaite pas faire de négociations sur la place publique», explique la porte-parole. Tout au plus a-t-elle précisé que Laval a offert à ses cols bleus «le même cadre de négociations qui a été offert [aux] autres groupes de travailleurs». Les cols blancs de Laval, notamment, se sont entendus avec la Ville il y a deux ans, pour la période 2008-2013. Les hausses salariales annuelles consenties étaient de 2,5% pour les trois dernières années.

Turbulents, les cols bleus?

En janvier 1997, une grève de 48 heures des cols bleus a eu un impact important sur le Patinorama, une activité annuelle qui a lieu dans les arénas de Laval. Il permet de recueillir chaque année une centaine de milliers de dollars qui sont distribués à des organismes communautaires.

En 2004 et en 2007, les cols bleus ont également donné par de fortes majorités un mandat de grève à leur bureau syndical, qui n'y a finalement pas recouru.

Outre les hausses salariales, un des motifs constants de mésentente avec la Ville concerne le nombre de cols bleus, qui stagne autour de 500 depuis le début des années 90 alors que la population est passée de 300 000 à 400 000 personnes.

Turbulents, les cols bleus de Laval? Les négociations avec eux sont traditionnellement «plus ardues», reconnaît Nadine Lussier, porte-parole de la Ville. «Ils ont une visibilité plus grande, tout moyen de pression a un impact plus clair», explique-t-elle.