«Telle est ma quête, suivre l'étoile...» Et pour atteindre cette «inaccessible étoile», Olivier Daigle n'y va pas par quatre chemins. Il a mis au point la caméra la plus puissante du monde. Elle permettra de découvrir d'autres galaxies, d'explorer la matière sombre de notre univers.

Le scientifique (qui aura le titre d'astrophysicien dans quelques semaines) termine son doctorat en astrophysique au département de physique de l'Université de Montréal. C'est dans le cadre de ses travaux de doctorat qu'il a mis au point un dispositif d'imagerie numérique qui permet d'améliorer grandement la qualité des images perçues par les caméras d'astronomie. Son oeuvre est convoitée. La NASA a été la première à se procurer la caméra qu'il a conçue. Quant au prototype, il est installé à l'Observatoire du mont Mégantic. Olivier Daigle s'est fait connaître du grand public dans le cadre de l'émission Découverte de Radio-Canada. Il a reçu le prix du public de Québec Science Découverte de l'année 2009. Pour cet exploit prometteur à bien des égards, La Presse et Radio-Canada nomment Olivier Daigle Personnalité de la semaine.

 

Rêver et agir

«La plus proche galaxie est à deux millions d'années-lumière», explique-t-il. Le contrôleur CCD (charge-coupled device) qu'il a mis au point est un élément relativement petit qui entre au coeur de l'immense caméra et qui fait toute la différence pour augmenter la précision des images observées. La dernière phrase limite à sa plus simple expression les mois, voire les années de travail qu'a investis ce jeune savant qui n'était pas certain, au départ, que sa caméra allait répondre à ses attentes. «Je me suis dit que si cela ne fonctionnait pas, je décrirais l'expérience dans un magazine scientifique en expliquant pourquoi.»

Mais ça a marché. Si bien, d'ailleurs, qu'il a été invité à présenter ses travaux dans le cadre de colloques internationaux. Les chercheurs ont dû se rendre à l'évidence: les images du Québécois sont les plus précises jamais réalisées. Il a réussi l'exploit de diminuer le bruit qui brouille le signal quand l'appareil approche de la limite de sa sensibilité. Et la caméra ne fera pas que fouiller le ciel. Elle pourra servir à explorer le corps humain et à détecter avec précision diverses maladies, dont la dégénérescence maculaire de la rétine de l'oeil.

S'il garde la tête haute, le regard fixé sur la voûte céleste - «l'homme des cavernes regardait les mêmes étoiles que nous» -, Oliver Daigle n'en a pas moins les pieds sur terre. Il vient de fonder sa propre entreprise, Nüvü Caméras, qui permettra la conception d'applications autres qu'astrologiques. Jusqu'à maintenant, il a obtenu la participation de la société québécoise Photon etc., qui fabrique la caméra, la collaboration du Laboratoire d'astrophysique expérimentale de l'Université de Montréal, du Centre de recherche en astrophysique du Québec et du Laboratoire d'astrophysique de Marseille.

Papa, dis-moi

La petite Alice, 3 ans et demi, a un papa qui pourra lui expliquer quelques-uns des mystères de notre monde. «Quand on est en recherche, le plus grand danger, c'est la bulle», dit Olivier Daigle. Et afin d'en sortir pour se ressourcer, rien de tel qu'une petite Alice au pays des merveilles!

Oliver Daigle est né à Saint-Jean-Chrysostome, à Lévis, le 30 mars 1977. Enfant, il fait tout plein d'inventions avec ses Lego. Il s'abonne aux Débrouillards. Un jour, un ami lui montre les étoiles avec un télescope. Immédiatement, il n'a qu'une idée: s'en procurer un. «Après tout, on vient des étoiles.»

Une curiosité insatiable l'anime depuis toujours. Et ses mains habiles incarnent, sous ses yeux, les idées de son esprit. Graduellement, ce sont les défis à surmonter, avec un cerveau qui cherche toujours à aller plus loin, qui le stimulent. «La créativité en recherche scientifique, c'est important, mais il faut aussi de l'intuition.» Au cégep lui vient le besoin de concevoir. Afin d'alimenter sans doute son feu intérieur, il est un des rares adolescents québécois, en 1994, à se servir de l'internet, à connaître le jargon informatique. «Un peu marginal? Probablement. Mais j'avais aussi d'autres intérêts. Croyez-moi, j'avais aussi des amis!» dit-il en riant.

Curieusement, son intérêt pour l'astronomie, sans être éteint tout à fait, est quand même mis en sourdine. Il se cherche. L'adolescent envisage avec une certaine crainte les longues années d'études menant à l'astrophysique. Il fait une technique en systèmes ordinés, à Limoilou, et un baccalauréat en génie électrique à l'École de technologie supérieure, à Montréal. Il va sur le marché du travail. Mais voilà que son rêve d'enfant refait surface et que les étoiles l'interpellent. Ce fut très évident lors d'un séjour en Inde. L'université a ensuite tendu les bras à ce jeune homme prodige.

Olivier Daigle s'est présenté à notre entrevue en vélo. Environnement, produits équitables font partie de sa vie. Et il rêve. «Il y a 100 milliards d'étoiles. Il y a peut-être une possibilité de vie quelque part.»

Si quelqu'un doit la trouver, c'est lui. Il a, dans tout son être, un peu du Petit Prince et d'Albert Einstein. Il s'étonne avec une certaine naïveté d'être le premier au monde à avoir conçu une telle caméra. Il ne sait pas comment cela a pu arriver. Il ne pavoise pas. Il se demande même: «Pourquoi est-ce que personne avant moi ne l'a fait?»

Il y a 100 milliards d'étoiles. Il y a peut-être une possibilité de vie quelque part.