Le 1er octobre, à Melbourne, Guillaume Boivin est devenu le premier Québécois de l'histoire à monter sur le podium aux Championnats du monde de cyclisme sur route. Le Longueuillois a gagné la médaille de bronze de l'épreuve en ligne des moins de 23 ans. L'avenir est rose pour le cycliste de 21 ans, qui rêve d'un titre mondial, de grandes classiques européennes et du Tour de France.

À la fin du mois de septembre, le cycliste Guillaume Boivin pensait bien que sa saison était terminée. De retour d'une campagne européenne couronnée de succès, il n'était plus capable de rouler. Pendant deux semaines, il n'a presque pas touché à son vélo. Ça a commencé par un blocage au dos, suivi d'une inflammation à un genou. Il était minuit moins une pour les courses ProTour de Québec et Montréal et, surtout, les Mondiaux de Melbourne, son grand objectif de la saison.

Coup de fil paniqué à Steve Bauer, son patron dans l'équipe SpiderTech propulsée par Planet Energy. Le plus grand cycliste canadien de l'histoire lui a dit de d'aller à Toronto sur-le-champ pour un traitement-choc en chiropractie.

Remis sur pied, mais toujours embêté par une douleur, Boivin s'est rassuré en participant aux deux courses ProTour. Deux semaines plus tard, en Australie, sur la ligne de départ de la course sur route des moins de 23 ans, un doute demeurait: pourrai-je tenir la distance malgré le temps perdu à l'entraînement?

Au bout des 159 kilomètres et des quatre heures de course, il était bien là, parmi la quarantaine de coureurs pouvant encore aspirer au podium. Une occasion à ne pas rater pour le doué sprinter. «Rendu là, on entre dans un état second. On dirait qu'on ne pense plus qu'on a mal aux jambes», explique Boivin. Malgré une erreur de positionnement qui lui fait croire que tout est perdu, le Québécois a débordé à gauche et, instinctivement, lancé sa monture sur la ligne. Chronométreurs et officiels ont mis de longues minutes avant de lui confirmer qu'il avait gagné le bronze... comme l'Américain Taylor Phinney. La photographie d'arrivée n'a pu les départager, une première dans l'histoire des Mondiaux sur route.

Boivin est le premier cycliste canadien de l'histoire à gagner une médaille chez les U23, une catégorie lancée en 1996. Un seul autre Canadien est parvenu à monter sur le podium d'une course sur route aux Mondiaux: Bauer, médaillé de bronze chez les professionnels en 1984.

Pour son exploit en Australie, qui a couronné une saison 2010 déjà remarquable, La Presse et Radio-Canada nomment Guillaume Boivin Personnalité de la semaine.

Hockey ou vélo?

Avant d'être cycliste, Boivin a été hockeyeur. Attaquant talentueux, il a été capitaine de son équipe midget espoir en Montérégie. À l'été de ses 14 ans, un cousin l'a invité à venir le voir courir aux Mardis cyclistes de Lachine. Il a été renversé. Après la course, il est allé féliciter le maillot jaune. C'était Martin Gilbert, son futur comparse et coéquipier chez SpiderTech.

Plus tard au cours de l'été, il a passé des vacances chez le même cousin à Chicoutimi. Ils ont regardé Lance Armstrong remporter son cinquième Tour de France à la télévision. «Un matin, je me suis levé et j'ai demandé à ma tante de me passer son vélo pour m'entraîner avec mon cousin.»

Pendant presque quatre ans, il a combiné le hockey, le vélo et les études. «Pas sûr que mes parents aimaient ça... Ils ont été vraiment cool de me laisser faire pendant longtemps.»

Boivin a finalement opté pour le vélo, non sans tergiversations: «Ça a quasiment été pile ou face. Arrivé en octobre, j'avais vraiment envie de jouer au hockey. J'en dormais presque pas.» Encore aujourd'hui, l'appel de la glace le tiraille encore.

Les succès à vélo n'ont cependant pas tardé sur les scènes provinciale et nationale. Il a obtenu des victoires d'étape au Tour de l'Abitibi en 2006 et 2007. L'année suivante, il a mis le cap sur la Belgique, où il a roulé pendant deux ans pour une équipe de développement prestigieuse. Il a commencé à rêver aux grandes classiques comme le Tour des Flandres, épreuve rugueuse pour laquelle il est bâti sur mesure.

Avec les champions

À l'été 2009, Boivin a signé son premier grand succès, une victoire aux championnats canadiens U23. Cela lui a valu une invitation à participer au Tour de Missouri avec l'équipe de Bauer. Voir Gilbert y gagner la dernière étape, devant certains des meilleurs sprinters de la planète, a beaucoup joué sur la confiance du jeune Boivin.

Soudainement, il devenait possible de frayer avec les champions. «Je suis fonceur, dit Boivin. Je n'ai pas peur de courir contre les plus grands. J'ai beaucoup de respect pour eux, mais ça m'impressionne plus ou moins.» Il l'a démontré l'été dernier avec quelques résultats impressionnants lors d'épreuves disputées en Allemagne et en France. Il est arrivé gonflé à bloc aux Mondiaux.

Pour l'instant, Boivin a mis de côté son projet d'entreprendre un baccalauréat en marketing à l'Université Laval. Des équipes ProTour, «la LNH du vélo», lui ont fait de l'oeil, mais il a préféré demeuré fidèle à Bauer et son équipe, avec laquelle il s'est engagé pour les deux prochaines années: «Steve est vraiment correct. Avec sa compagne Josée (Larocque), il se donne au maximum pour nous. Il veut faire grossir l'équipe et l'amener au Tour de France dans un futur assez rapproché. C'est un beau projet auquel appartenir.»