Le docteur Joachim Miró, du CHU Sainte-Justine, et le docteur Réda Ibrahim, de l'Institut de cardiologie de Montréal, ont été les deux premiers cardiologues à implanter une nouvelle prothèse sur deux de leurs patients. Ne nécessitant pas d'opération à coeur ouvert, la prothèse a été introduite dans le coeur par un cathéter. L'expertise des deux hommes en cathétérisme a grandement influencé le choix de Montréal pour cette première mondiale. C'est pourquoi La Presse et Radio-Canada leur décernent conjointement le prix de Personnalités de la semaine.

Né ici d'un père égyptien et d'une mère belge, le docteur Réda Ibrahim est cardiologue à l'Institut de cardiologie de Montréal. Quand on questionne l'accent aigu inhabituel sur le «e» de son prénom, il avoue qu'il l'a rajouté lui-même. «C'est ma touche québécoise», dit-il en riant. Le Dr Réda Ibrahim ne vient pas d'une famille de médecins. «Mais presque», ajoute-t-il. Son père est vétérinaire, comme un de ses deux frères d'ailleurs. Le Dr Ibrahim a fait ses études en médecine à l'Université de Montréal, où il a même eu le Dr Joachim Miró comme professeur. Il a aussi suivi une formation complémentaire en cathétérisme dans un centre hospitalier de Boston, affilié à l'Université de Harvard. Une formation que le Dr Joachim Miró a lui aussi suivie.

Né à Barcelone, le docteur Joachim Miró est arrivé ici à l'âge de 5 ans. Il a fait ses études à l'Université de Montréal avant de devenir cardiologue au CHU Sainte-Justine. Il enseigne toujours à cette même université avec le Dr Réda Ibrahim, devenu professeur lui aussi. C'est la deuxième fois que le Dr Miró est nommé Personnalité de l'année. En 2006, son travail humanitaire au Maroc a été souligné dans cette page. Quand on lui souhaite un tour du chapeau, le Dr Miró avoue qu'il préférerait que la troisième nomination vienne de ses quatre enfants. «Bien que je sois souvent absent, j'espère que je serai arrivé à leur inculquer de bonnes valeurs et à en faire des adultes épanouis», avoue-t-il.

Quand on demande au Dr Joachim Miró d'expliquer le type de collaboration qui unit les deux hommes, il nous corrige rapidement. «Il s'agit plutôt d'une grande complicité». Ce lien très fort est aussi un avantage pour les patients. Le Dr Miró accompagne les patients de leur naissance jusqu'à l'âge de 18 ans au CHU Sainte-Justine, un centre spécialisé en pédiatrie. Et le Dr Ibrahim les prend ensuite en charge à l'Institut de cardiologie, pour le reste de leur vie. «Le Dr Miró permet à ses patients d'atteindre l'âge adulte et moi, je les revois pour leur permettre de vivre encore plus longtemps», résume le Dr Ibrahim.

Première mondiale

La prothèse révolutionnaire est destinée aux patients qui souffrent d'une communication inter-ventriculaire membraneuse. En des termes plus simples, ils ont une ouverture, dans le coeur, qui laisse circuler le sang d'un ventricule à l'autre. Cette malformation réduit l'efficacité du coeur et diminue grandement l'espérance de vie. La prothèse, en forme de yoyo, permet de refermer cette ouverture sans qu'une opération à coeur ouvert soit nécessaire. La prothèse est pliée et introduite dans le cathéter jusqu'à l'ouverture dans le coeur. Une fois à la bonne place, la prothèse reprend d'elle-même sa forme initiale et referme l'ouverture entre les deux ventricules. Et la prothèse ne nécessite jamais d'être changée. «Elle est garantie à vie. Pièces et main-d'oeuvre», ajoute le Dr Miró en plaisantant.

Ce type d'intervention offre plus d'avantages qu'une opération à coeur ouvert, une manoeuvre encore plus risquée chez un enfant. Le temps de récupération pour une opération à coeur ouvert peut prendre plus d'un mois alors qu'une intervention par cathéter ne demande qu'une ou deux journées de repos.

Maria et Jonathan

Dans cette double première mondiale, il y a aussi deux patients: Maria et Jonathan. Le plan initial était d'opérer, le même jour, un enfant et un adulte. Mais le destin en a décidé autrement et le patient du Dr Ibrahim ne s'est pas qualifié pour l'opération. Maria, la patiente du Dr Miró, fut donc opérée le 27 juin et un autre patient du Dr Ibrahim, Jonathan, a reçu sa prothèse le 14 juillet.

Maria, une fillette trisomique de 5 ans, a déjà plus d'énergie qu'avant l'opération. Elle peut se concentrer, avec l'aide de ses parents, sur les autres défis que lui impose sa trisomie. Et Jonathan, un jeune homme de 26 ans, peut enfin pleinement profiter de la vie.

Grâce aux résultats encourageants obtenus par le Dr Réda Ibrahim et le Dr Joachim Miró, trois autres personnes ont déjà reçu cette prothèse à travers le monde. Et ils seront bientôt plusieurs, aux quatre coins de la planète, à recevoir cette minuscule prothèse qui changera leur vie.