Incapable d’arriver à un compromis avec les infirmières du quart de soir de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal se résout à demander à la population d’en éviter les urgences pour la nuit. La situation est « intenable », affirme le ministre de la Santé, Christian Dubé.

Pendant qu’une centaine d’infirmières des urgences menacent de démissionner mercredi si la cheffe de leur unité n’est pas remplacée, les travailleuses du quart de soir se sont opposées au plan de contingence qui leur a été présenté à leur arrivée au travail lundi soir.

Selon elles, le plan proposé par la direction, qui les force à travailler en équipe réduite, comporterait des risques pour la santé des patients. Après plusieurs heures de négociations, la haute direction de l’établissement demande à la population d’éviter de se rendre aux urgences de 23 h à 8 h.

Dans un communiqué, la direction évoque « une situation exceptionnelle » et remercie la population pour « sa collaboration ». La situation doit être révisée mardi matin.

« Les patients actuellement aux urgences et les patients instables arrivant par ambulance demeureront admis pour assurer la sécurité. Les patients ambulatoires ne pourront pas être pris en charge cette nuit. Les autres ambulances seront redirigées durant la période de fermeture vers d’autres établissements de la région du Grand Montréal », indique-t-on.

Le CIUSSS rappelle que les personnes peuvent se tourner vers leur médecin de famille, un pharmacien ou un médecin dans une clinique sans rendez-vous. La ligne 8-1-1 est d’ailleurs toujours en place.

Le ministre Christian Dubé s’est entretenu avec le président-directeur général de l’établissement, Jean-François Verreault-Fortin, en soirée. « La situation aux urgences de HMR est intenable présentement, j’en suis conscient », a-t-il écrit sur Twitter, tard lundi.

« Notre priorité est de nous assurer de la sécurité de tous les patients. C’est pourquoi on a pris la décision difficile de limiter les activités aux urgences pour cette nuit. Nous ferons le point [mardi] », a-t-il ajouté.

Le problème des urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, c’est qu’elles ne vont jamais fermer en raison de la position géographique et de la grandeur de l’hôpital, explique Denis Cloutier, président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. « Donc la gestion propose de rester ouvert, tout en enlevant toujours plus de personnel », dénonce-t-il.

Les réductions de services proposées lundi soir par le CIUSSS ne font généralement pas une différence importante, renchérit M. Cloutier. « Dans les faits, l’urgence est ouverte », rappelle-t-il.

La santé des patients en danger

« C’est ridicule ce qui se passe ici », lance Annie Fournier, infirmière à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont depuis une douzaine d’années. Comme ses collègues du quart de soir lundi, Mme Fournier refuse de travailler en raison des conditions qui prévalent actuellement aux urgences de l’hôpital.

Lundi soir, en raison de la pénurie de main-d’œuvre, sept employées du quart de jour devaient initialement rester dans la soirée en faisant du « temps supplémentaire obligatoire » (TSO), détaille Mme Fournier.

« À la dernière minute [les gestionnaires] ont annulé ça, pour avoir zéro TSO. Et ils nous ont demandé de rentrer avec une charge de patients qui est impossible, dénonce Mme Fournier. Ils nous demandent d’être une infirmière et deux infirmières auxiliaires pour environ 50 patients. »

Une situation qui met en danger la sécurité des usagers des urgences, lance-t-elle. « On nous demande d’assurer la sécurité de tous ces patients-là, c’est inacceptable, poursuit Mme Fournier. Notre responsabilité est très grande comme infirmière. »

Dimanche, La Presse rapportait qu’une centaine d’infirmières des urgences de cet hôpital menaçaient de quitter leur poste si la cheffe d’unité ne perdait pas le sien. Un peu plus tôt la semaine dernière, le syndicat affirmait aussi qu’un « triste record » de TSO avait été franchi aux urgences.

Pour Anne Lecers, infirmière auxiliaire qui vient tout juste de commencer sa carrière dans le milieu, cette situation est inquiétante. « Je n’ai pas envie de devenir une personne qui subit à la fin parce que les conditions de travail sont très difficiles », réagit-elle.

En fin de soirée lundi, les infirmières du quart de soir refusaient toujours de travailler. Les infirmières de jour assuraient les soins pendant la soirée, tandis qu’il y avait trop peu de personnel prévu pour couvrir tous les quarts de nuit, a précisé M. Cloutier. Selon lui, « ça pourrait être très problématique [à la fin du quart de soir], à minuit ».

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Une jeune infirmière, Stefania Teodora Grigorescu, dépassée par les conditions de travail exigées, est consolée par une collègue.

Trop de patients pour la capacité des urgences

Le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal affirme de son côté que la moyenne d’heures effectuées depuis la mi-décembre par une infirmière affectée aux urgences est de 34,25 heures par semaine.

La demande qui est placée sur l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, en matière de soins à la population, notamment aux urgences, « dépasse largement la capacité de l’offre de soins de l’établissement et des plateaux techniques disponibles », a fait savoir le porte-parole, Christian Merciari.

Les urgences reçoivent quotidiennement jusqu’à 25  % plus de patients que leur capacité d’accueil. « De plus, nous devons desservir jusqu’à 27  % de la population alors que nous n’avons que 17  % des lits de courte durée de disponibles », a-t-il ajouté dans une déclaration.

L’établissement réitère que tout est mis en œuvre pour éviter d’avoir recours au TSO.

De passage à Tout le monde en parle dimanche, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a admis que les urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont desservaient un volume trop élevé de patients pour leur capacité.