Pas de faute professionnelle, mais des problèmes évidents d’organisation. Andrée Simard, la veuve de Robert Bourassa, est décédée l’an dernier dans la douleur et la détresse, parce qu’elle n’a pas eu accès aux soins palliatifs normalement administrés à un patient dans sa situation.

Ce qu’il faut savoir

  • Andrée Simard, veuve de l’ancien premier ministre Robert Bourassa, est morte au Centre hospitalier de St. Mary le 28 novembre 2022.
  • En janvier, sa fille Michelle Bourassa révèle que Mme Simard est décédée au terme de trois jours de souffrance et de détresse ; elle n’a pas reçu de soins palliatifs.
  • Le Collège des médecins déclenche une enquête en février.
  • Selon le Collège, il n’y a pas eu de « manquements déontologiques de l’équipe médicale ». L’enquête soulève toutefois des failles dans « l’organisation des soins ».

Marchant sur des œufs, le Collège des médecins vient de publier son rapport d’enquête sur les évènements entourant le décès de Mme Simard, au Centre hospitalier de St. Mary le 28 novembre 2022. L’enquête menée par une médecin et ex-cadre du réseau de la santé « n’a pas mis en évidence de manquements déontologiques de l’équipe médicale », observe d’abord le Collège, qui relève toutefois « des problèmes de communication entre la famille et l’équipe de soins » ainsi que des failles dans « l’organisation des soins et services » pour les patients en phase terminale.

La fille de Mme Simard, Michelle Bourassa, déclare en entrevue être « profondément déçue » des conclusions du Collège. « J’ai été à même de constater l’opacité qui règne au sein de cet ordre professionnel. » Le Collège évoque les frictions entre les membres de la famille et l’équipe soignante ainsi que le manque de clarté des proches quant au niveau de sédation souhaité pour la patiente. « Un médecin m’a menacée de m’expulser de l’établissement parce qu’il alléguait que j’avais brisé le lien de confiance avec le personnel soignant. Il s’agit, pour moi, non seulement d’un manque de jugement flagrant, mais d’une pratique déontologique déficiente », lance la fille du défunt premier ministre.

L’état de Mme Simard s’était détérioré rapidement, en début de fin de semaine. Pour le président du Collège des médecins, le DMauril Gaudreault, « les conditions étaient réunies pour une tempête parfaite ». « Une patiente de 90 ans, dont la condition se dégrade très rapidement, en quelques heures. C’est survenu en fin de semaine, quand il y a changement de médecin, changement de résident, changement d’équipe », explique-t-il.

Il n’y a pas eu de manquement déontologique, mais il y a eu de toute évidence des problèmes d’organisation, des problèmes quant à la prestation des soins, à la fois par le personnel médical infirmier et les autres professionnels. On peut conclure que Mme Simard aurait pu avoir accès à des soins palliatifs mieux organisés.

Le DMauril Gaudreault, président du Collège des médecins

Le Collège mène ses enquêtes « non pour trouver un coupable, mais pour améliorer la situation, dans ce centre hospitalier et pour l’ensemble du réseau. C’est certain que cela ne faisait pas l’affaire de Mme Bourassa quand on lui a transmis nos conclusions », ajoute-t-il.

Nouvelles mesures

Au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, la présidente-directrice générale adjointe, Najia Hachimi-Idrissi, souligne que depuis, des mesures ont été prises pour revoir la prestation de soins palliatifs.

Près de 80 % du personnel soignant a depuis reçu une formation sur ce genre de soins, une équipe multidisciplinaire spécialisée a été mise sur pied pour assurer que les besoins des patients et les souhaits des familles trouvent une réponse plus sensible, « pour détecter plus rapidement les signes de détresse ».

Le CIUSSS a aussi préparé des protocoles standardisés sur la marche à suivre par les médecins et par les infirmières dans des situations similaires.

Les ressources limitées, le manque de personnel ont aussi contribué au dérapage : « La fin de semaine est un contexte difficile, parfois l’arrimage entre les équipes pose problème. La famille était en détresse, elle aurait bénéficié d’un soutien psychosocial, qui n’a pas été déployé à temps, la travailleuse sociale était absente à ce moment-là », explique Mme Hachimi-Idrissi.

Michelle Bourassa avait-elle raison de s’indigner ? « Un patient qui vit une expérience difficile a toujours raison. Ce que la personne vit est un volet important, il faut le prendre au sérieux », convient Mme Hachimi-Idrissi.

Accès aux soins palliatifs

La fille d’Andrée Simard souligne avoir demandé avec insistance qu’on administre des soins palliatifs à sa mère pour soulager sa douleur. Or, Mme Simard avait contracté la COVID-19, et l’hôpital ne voulait pas la transférer à l’unité de soins palliatifs parce qu’on craignait qu’elle ne contamine des patients en oncologie.

Bâtiment ancien, le Centre hospitalier de St. Mary compte beaucoup de chambres accueillant plusieurs patients, et l’oncologie et les soins palliatifs sont dans la même unité. « On ne peut admettre quelqu’un qui a la COVID-19 dans cette unité », explique Mme Hachimi-Idrissi. La nouvelle équipe spécialisée peut se déplacer pour prodiguer des soins palliatifs dans les autres unités.

Quand La Presse avait rapporté le drame traversé par Mme Simard et ses proches, le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal avait immédiatement annoncé des changements à cette pratique et précisé que les soins palliatifs étaient normalement disponibles dans les autres unités de soins.

Dans son rapport, le Collège des médecins fait le même constat. Ce dossier « met en évidence les difficultés auxquelles sont confrontés les milieux de soins, en particulier la difficulté d’accès à l’accompagnement et au soutien à l’extérieur de l’unité dédiée aux soins palliatifs ».

Pour le Collège, il faut s’interroger sur la situation dans l’ensemble du CIUSSS, « ce qui soulève des inquiétudes quant à l’accès aux soins palliatifs et de fin de vie dans l’ensemble du réseau ». Il faut, selon le Collège, « s’interroger sur la suffisance et l’organisation des ressources […] afin de réellement garantir un accès équitable à des soins palliatifs et de fin de vie, de qualité, à domicile, en hébergement et en centre hospitalier ».

Rectificatif 
Une modification a été apportée après publication de cet article afin de préciser que le médecin qui a effectué l’enquête n’est pas retraité, tel qu’initialement mentionné par le Collège des médecins. C’est un médecin actif et ex-cadre du réseau de la santé.