Évacuer une centaine de patients en l’espace de quelques heures : c’est le défi qu’a relevé une petite équipe de professionnels de la santé mobilisés jour et nuit par les incendies de forêt. Dans un ballet minutieux, ils ont coordonné les déplacements des patients, le plus souvent par voie aérienne. Incursion au cœur de la crise.

Vendredi 2 juin. Sept-Îles

Quelque 10 000 résidants reçoivent l’ordre de quitter leur domicile après que l’état d’urgence a été décrété en raison des incendies de forêt. Les patients de l’hôpital de Sept-Îles, sur la Côte-Nord, n’y échappent pas. Une cinquantaine d’entre eux doivent être déplacés d’urgence vers un centre hospitalier de Québec ou de Montréal.

Les paramédicaux se mettent en action. « Il a fallu avoir plusieurs patients par ambulance, ce qui est plutôt rare », soutient le directeur des opérations – Côte-Nord de l’entreprise ambulancière Paraxion, Manuel Charest-Imbeault. Les patients sont transportés à l’aéroport où ils sont pris en charge par le programme d’évacuations aéromédicales du Québec (EVAQ).

Au même moment, au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), des infirmières sont installées devant des écrans, munies d’un casque d’écoute. C’est ici, au Centre d’optimisation – Occupation des lits de soins intensifs (COOLSI), que les transferts de chacun des patients sont coordonnés.

Les infirmières ont reçu en fin d’après-midi une liste de tous les patients à évacuer. « Les hôpitaux à travers la province nous ont dit combien de patients ils pouvaient prendre. À partir de ça, on a décidé qui allait où », détaille Marie-Eve Desrosiers, directrice de la direction coordination réseau au COOLSI.

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Marie-Eve Desrosiers, directrice de la direction coordination réseau au COOLSI

Mais il faut faire vite. « Quand on a été interpellés, une première cohorte de patients étaient déjà en route vers Québec », dit Caroline Riopel, coordonnatrice du COOLSI. À bord des avions, des médecins et des infirmières sont à la disposition des patients.

Les évacuations se poursuivent pendant toute la soirée et la nuit.

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Caroline Riopel, coordonnatrice du COOLSI (à gauche)

Il y avait beaucoup de personnes de 80 ou 90 ans, certaines atteintes de démence. Prendre des gens qui sont déstabilisés et les sortir en pleine nuit, c’est difficile.

Caroline Riopel, coordonnatrice du COOLSI

Quelques patients refusent même de prendre le premier vol en direction de la métropole. « C’est très inquiétant pour eux. Sept-Îles, c’est loin de Montréal », explique Marie-Eve Desrosiers.

Durant la nuit, une trentaine de patients atterrissent à l’aéroport de Montréal. À leur arrivée, les paramédicaux d’Urgences-santé les transportent vers les hôpitaux chargés de les recueillir, déterminés par l’équipe du COOLSI.

Vendredi 2 juin. Lebel-sur-Quévillon

Le soir même, les quelque 2100 habitants de la municipalité de Lebel-sur-Quévillon, située en Jamésie, doivent faire leurs valises. L’incendie provoqué par la foudre force le déclenchement d’une alerte d’évacuation obligatoire.

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Le centre de commandemant du COOLSI, au CHUM

Les patients du centre de santé sont évacués par ambulance et en avion, indique le directeur des opérations pour l’entreprise Dessercom en Abitibi, Christian Williams. Certains d’entre eux sont transférés au centre de santé de Chibougamau.

Les paramédicaux de Lebel-sur-Quévillon sont eux-mêmes touchés par l’ordre d’évacuation et trouvent refuge à plus d’une centaine de kilomètres, dans la caserne de Senneterre.

Mardi 6 juin. Chibougamau

En milieu de soirée mardi, c’est au tour de Chibougamau, dans le Nord-du-Québec, de déclarer l’état d’urgence. Ses 7500 habitants sont sommés de quitter la ville. Tous les patients du centre de santé de Chibougamau aussi.

« Les patients ont été réveillés dans leur lit et se sont fait dire qu’ils s’en allaient au Saguenay–Lac-Saint-Jean et qu’ils prenaient ensuite l’avion vers Montréal », lance Caroline Riopel du COOLSI. Au total, 70 patients sont évacués.

« De 19 h jusqu’à 4 h le matin, ça a été beaucoup de transports vers l’aéroport », se remémore le directeur des opérations d’Ambulance Chicoutimi SLN, Hugues Lavoie. Pour y arriver, des paramédicaux du Lac-Saint-Jean et de Québec viennent en renfort.

Certains patients en sont déjà à leur deuxième transfert.

Une première évacuation avait été faite à Lebel-sur-Quévillon et les patients avaient été redirigés à Chibougamau. On les envoie maintenant à Montréal.

Caroline Riopel, coordonnatrice du COOLSI

En fin de soirée, le COOLSI entame la répartition des patients dans les différents hôpitaux montréalais. Une tâche qui s’étendra sur plusieurs heures.

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Nathalie Fortin, directrice adjointe de la direction coordination réseau au COOLSI

« Ça a été une dure nuit », note en souriant Nathalie Fortin, directrice adjointe de la direction coordination réseau au COOLSI.

Le retour

L’avis d’évacuation a été levé le 6 juin pour les résidants de Sept-Îles, tandis que les résidants de Chibougamau ont pu réintégrer leur domicile le lundi 12 juin. Plus d’une centaine de patients ont ainsi pu être transférés à nouveau, cette fois vers leurs régions respectives.

Les équipes ont toutefois dû se mobiliser pour y arriver. « À Chibougamau, ils ont fermé au complet l’hôpital, donc ils ont jeté toute la nourriture. On devait s’assurer qu’ils étaient prêts à recevoir à nouveau les patients avant de planifier leur retour », donne comme exemple Caroline Riopel.

De leur côté, les résidants de Lebel-sur-Quévillon devraient pouvoir réintégrer la municipalité dimanche, après deux semaines d’évacuation.