(Montréal) Moins d’une semaine après le dépôt du rapport du Bureau du coroner dans l’enquête publique sur la thématique du suicide, deux nouvelles normes canadiennes sont dévoilées en matière de santé mentale et dépendance ainsi qu’en prévention du suicide.

Ces règles développées par l’Organisation de normes en santé (sigle anglais HSO) sont adoptées par Agrément Canada. Elles devront donc de facto être déployées dans tous les établissements québécois de santé et de services sociaux puisqu’ils ont l’obligation de détenir une certification d’Agrément Canada.

De plus, dans le cas de la nouvelle norme en prévention du suicide, certains critères seront utilisés comme « pratiques organisationnelles requises », c’est-à-dire des éléments analysés lors d’évaluations de conformité.

Cette norme décrit les éléments clés devant être inclus dans un programme complet de prévention du suicide. On y traite de dépistage systématique du risque suicidaire, d’évaluation du risque, de sécurité, de soins, et de traitement et d’intervention post-évènement.

« Ça va exiger que les équipes, dans l’ensemble des installations au Québec, soient sensibilisées à des programmes de prévention du suicide et utilisent un outil validé pour détecter le risque, évaluer ce risque-là et arriver avec un plan sécuritaire », décrit la directrice exécutive des partenariats cliniques chez HSO, la Dre Louise Clément.

Dans le cas de la norme portant sur la santé mentale et les dépendances, on insiste sur l’importance de traiter ces deux problématiques comme un ensemble et non plus séparément. Cela rejoint précisément l’une des préoccupations soulevées par la coroner Me Julie-Kim Godin dans son rapport intitulé « POUR la protection de LA VIE humaine ». Elle y décrivait en détail l’ampleur du phénomène des troubles concomitants, c’est-à-dire la combinaison de problèmes de santé mentale et de consommation.

À son tour, HSO nomme précisément la nécessité d’adopter un « changement de paradigme vers une approche plus intégrée et plus complète des services en santé mentale et en dépendances ».

On explique que ce virage doit s’effectuer au sein des équipes d’intervention en « réponse à l’évolution du paysage » où l’on « reconnaît la complexité et l’interconnectivité de ces problèmes ». On ajoute que « la recherche et les observations cliniques ont clairement démontré que ces problèmes de santé apparaissent fréquemment conjointement et partagent des facteurs sous-jacents communs ».

De manière concrète, la Dre Clément explique qu’il faut décloisonner les soins et services en santé mentale. « Ça part par des équipes de santé mentale capables de détecter les troubles de dépendance et vice-versa », mentionne-t-elle en ajoutant que les intervenants doivent détenir un minimum de formation dans les deux domaines.

Selon la composition des équipes dans chaque établissement de santé, cette exigence de double compétence de base pourrait s’appliquer à des médecins, psychologues, travailleurs sociaux ou ergothérapeutes, énumère la médecin qui a le mandat de rendre le contenu des normes accessible aux équipes cliniques, aux gestionnaires et aux usagers.

Autre aspect abordé par la coroner Godin et intégré dans les nouvelles normes : l’appui des proches. Selon les experts mandatés par HSO, l’entourage immédiat des patients doit faire partie de l’équipe pour que l’intervention soit un succès.

Dans l’énumération des droits du patient, on inclut sa prérogative à « participer à tous les aspects de [ses] soins et de faire des choix personnels ». Cela inclut « le droit de choisir une ou plusieurs personnes proches aidantes » pouvant participer à ses soins de la manière dont il le souhaite.

Or, dans un contexte d’intervention en santé mentale et en dépendances, il peut s’avérer complexe d’obtenir un consentement éclairé du patient à la participation d’un proche, reconnaît la Dre Clément. Elle maintient toutefois que la décision doit venir du patient.

« Ça repose sur la personne qui reçoit les soins, si elle a la compétence et la capacité de décider. Ce sont les droits de la personne, dit-elle. Les professionnels doivent accepter ça. »

Il arrive dans certains cas que les professionnels prennent la décision d’informer des proches sans le consentement du patient, mais il s’agit de cas d’exception si l’information s’avère essentielle et que le patient est dans l’incapacité de consentir.

Long chantier

Lors d’une séance d’information par visioconférence, la directrice générale des programmes mondiaux chez HSO, Kaye Phillips, a expliqué que le chantier d’élaboration de ces normes avait débuté en 2017.

Un comité technique de 18 membres a été chargé d’effectuer une revue de littérature scientifique dans le but de rassembler les meilleures pratiques et de recenser les approches innovantes. Par la suite, des groupes de travail ont été formés pour entendre les préoccupations et les recommandations de divers groupes, incluant experts, patients et représentants de diverses communautés.

Kaye Phillips a souligné qu’une attention particulière a été portée à l’adoption d’une approche « de soins empathiques de grande qualité » qui tient compte du principe de sécurisation culturelle.

Pour la coprésidente du comité technique, Rita Notarandrea, le dévoilement de ces nouvelles normes ne représente que le premier pas vers de meilleurs services à la population.

« Ce n’est pas une fin en soi. Ces normes sont des outils, mais elles doivent être mises en place. Elles doivent être adoptées par les établissements et les professionnels en soins. Ces pratiques doivent être déployées et mises en valeur pour qu’elles deviennent courantes », a commenté l’ex-cheffe de la direction du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances lors de la présentation virtuelle.

Ces deux normes entreront officiellement en vigueur au cours du processus d’évaluation d’Agrément Canada en 2024.

Besoin d’aide ?

Si vous êtes en détresse et cherchez à obtenir de l’aide, plusieurs ressources sont disponibles :

1-866-APPELLE

www.suicide.ca

www.teljeunes.com

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