Une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment classé l’aspartame comme « peut-être cancérogène pour l’homme ». Pourtant, un autre comité de l’OMS qui s’est penché sur ce succédané du sucre n’a pas réduit le seuil de consommation recommandé. Comment s’y retrouver ?

Que signifie « peut-être cancérogène » ?

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) évaluait l’aspartame pour la première fois. La mention « peut-être cancérogène » se fonde sur une « indication limitée », a-t-il indiqué. Cette indication porte sur un type de cancer du foie chez l’être humain (carcinome hépatocellulaire), sur le cancer chez l’animal de laboratoire et sur les « mécanismes possibles d’action cancérogène ».

Ces indications et données limitées « soulignent la nécessité de mener davantage de travaux de recherche afin de mieux comprendre dans quelle mesure la consommation d’aspartame présente un danger cancérogène », a précisé le CIRC dans un communiqué à la mi-juillet.

« Depuis que je suis nutritionniste, on en parle comme d’un substitut de sucre qui est controversé, pour lequel il y a eu plein d’études et pour lequel on conclut que ça va prendre d’autres études », signale la nutritionniste, auteure et conférencière Stéphanie Côté, en entrevue téléphonique.

Le CIRC a donc classé l’aspartame dans son groupe 2B, avec d’autres agents comme le plomb et les gaz d’échappement des moteurs à essence.

Ce groupe 2B arrive au troisième rang de son classement, derrière les agents reconnus comme cancérogènes (groupe 1, qui comprend le tabac, le rayonnement solaire et la consommation de boissons alcoolisées) et probablement cancérogènes pour l’être humain (groupe 2A, qui comprend le DDT, la consommation de viande rouge, les émissions provenant de la friture à haute température).

Consultez la classification du CIRC

L’aspartame est-il plus dangereux qu’on le croyait ?

Officiellement, non. Le CIRC l’a souligné, ses classifications ne se prononcent pas sur « le risque de développer un cancer à un niveau d’exposition donné ».

C’est plutôt le Comité mixte d’experts des additifs alimentaires, relevant de l’OMS, mais également de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui a suggéré des limites à la consommation d’aspartame.

C’est la troisième fois que ce comité mixte évalue la substance. Et il n’a rien vu dans les données qui l’incite à changer sa position. Une personne peut consommer « sans risque » jusqu’à 40 mg d’aspartame par kilo de poids corporel par jour, a-t-il réitéré dans un communiqué commun avec le CIRC.

Un adulte de 70 kilos, dont le seul apport en aspartame proviendrait de canettes de boissons gazeuses contenant chacune de 200 à 300 mg de cet édulcorant, devrait ainsi consommer plus de 9 à 14 canettes par jour pour dépasser « la dose journalière admissible ».

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Stéphanie Côté, nutritionniste, auteure et conférencière

On s’entend que si on prend 14 canettes de boisson gazeuse par jour, le premier problème d’alimentation est au-delà de l’aspartame.

Stéphanie Côté, nutritionniste, auteure et conférencière

Plusieurs boissons gazeuses vendues ici, dont Pepsi diète, Pepsi zéro sucre, Coca-Cola zéro sucre, Coke diète et Fresca, contiennent encore de l’aspartame.

Qu’est-ce que ça change pour les consommateurs d’ici ?

Pour l’instant, rien. Mme Côté maintient sa position de longue date.

« Je suis loin de recommander l’aspartame, mais en même temps, je ne vais pas le diaboliser non plus », dit-elle.

« Si tu as envie de boire un Coke diète une fois par mois parce que tu aimes le goût, parce que ça te tente, ce n’est pas ce qui va changer l’équilibre de ton alimentation si, par ailleurs, tu manges bien. »

La Société canadienne du cancer suit les lignes directrices de Santé Canada, qui prône la même dose journalière admissible que le comité mixte de l’OMS.

Un examen de la recherche déterminera « si une action est nécessaire pour l’aspartame au Canada sur la base des données scientifiques contenues dans les rapports complets », a précisé Santé Canada à La Presse Canadienne.

Consommer des aliments ou boissons contenant des succédanés « n’est pas nécessaire […] pour diminuer la quantité de sucres que vous consommez », souligne toutefois le Guide alimentaire canadien.

L’utilisation de l’aspartame est « sécuritaire », indique pour sa part Diabète Québec sur son site web, en faisant valoir qu’« aucune étude scientifique clinique n’a démontré » son « effet possible sur des problèmes neurologiques et des cancers ».

Autorisé au Canada depuis 1981 comme additif alimentaire, l’aspartame figure dans de nombreuses listes d’ingrédients, notamment celles de gommes à mâcher et de desserts. Il peut aussi être utilisé seul, pour « sucrer » un café, par exemple.

Consultez la fiche de Santé Canada sur l’aspartame Consultez le Guide alimentaire canadien sur les substituts de sucre 

Donc l’aspartame n’a aucun effet sur l’être humain ?

Les substituts de sucre interviennent dans la chimie du cerveau, entretenant l’attrait pour le sucre, prévient Mme Côté.

Le goût sucré « annonce à notre corps qu’il va y avoir du sucre, mais celui-ci ne vient pas, et ça nous fait rechercher encore plus ces aliments sucrés qu’on a promis à notre corps ».

Des études laissent aussi entrevoir « un effet délétère sur le microbiote intestinal », indique la nutritionniste. « C’est le genre d’étude qui nécessite d’autres études », mais « il y a une piste là ».

La nutritionniste Linda Montpetit, qui prône une alimentation végétale non transformée, ne se prononce pas sur les risques de cancer. Les succédanés de sucre font toutefois partie des aliments ultratransformés, à éviter le plus possible, estime-t-elle. « Si ça ne pousse pas dans les arbres ou dans la terre, on ne devrait peut-être pas en manger… »

L’aspartame est « un substitut de sucre qui se retrouve la plupart du temps dans des aliments ultratransformés, qui ne sont pas des aliments qui devraient être en majorité dans notre assiette », résume Mme Côté.