Le grand public a connu la Dre Diane Francœur comme présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Cette fois, c’est pour faire connaître une autre façon de mourir dans la dignité – avec la sédation palliative continue – que la Dre Francœur a tenu à s’exprimer ici, au sujet de la mort de son conjoint, le DFrancis Engel.

Depuis l’entrée en vigueur de l’aide médicale à mourir au Québec en décembre 2015, les demandes n’ont cessé de croître. Si bien qu’en quelques années seulement, elle est devenue plus courante ici qu’en Belgique ou aux Pays-Bas, où elle a pourtant cours depuis des décennies. En 2021-2022, l’aide médicale à mourir a été choisie par 3663 Québécois, représentant 5,1 % des décès*.

Pour la famille du DEngel, cette avenue n’a pas été envisagée. Le DFrancis Engel, tout comme la Dre Francœur et leurs enfants, a estimé que décider bien à l’avance que ça se passerait « lundi, à 9 h », et que le rideau tomberait très rapidement, c’était trop brutal.

La chimiothérapie avait été cessée, elle ne pouvait plus rien pour le DEngel, qui était atteint d’un cancer fulgurant. La fin était imminente.

Cette idée de sédation palliative continue, la Dre Francœur ne l’avait pas du tout en tête.

« Je suis gynécologue-obstétricienne, je suis du côté de la vie », note-t-elle.

Utilisée lorsque la maladie est terminale et que la souffrance ne peut pas être soulagée autrement, la sédation palliative continue consiste à donner des médicaments pour soulager les symptômes en abaissant le niveau de conscience, de façon continue, jusqu’au décès.

Le patient est alors plongé dans un profond coma, sans que sa mort soit immédiate comme pour l’aide médicale à mourir.

La sédation palliative continue peut durer plusieurs jours.

En 2021-2022, 1838 personnes (2,6 % des décès) l’ont obtenue. Elles sont moins nombreuses que celles qui ont eu recours à l’aide médicale à mourir.

La sédation palliative « n’enlève pas la peine », mais la Dre Diane Francœur explique que pour sa famille, ça lui a semblé « plus doux ».

Parce qu’elle est autorisée depuis peu, l’aide médicale à mourir a reçu beaucoup d’attention. La sédation palliative, presque pas, et c’est la raison pour laquelle la Dre Francœur a souhaité parler de son expérience.

La sédation palliative a surtout été dans l’actualité lorsque la famille de Robert Bourassa a dénoncé le fait qu’Andrée Simard, veuve de l’ex-premier ministre, n’ait pas pu la recevoir à l’hôpital St. Mary, à Montréal.

La famille a bien fait de le dénoncer, dit la Dre Francœur. Mais il serait dommage, estime-t-elle, que la population en conclue que ce n’est pas accessible ou envisageable.

Des critères précis

Présidente de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs, la Dre Olivia Nguyen explique que l’aide médicale à mourir, une « mort planifiée, avec une date au calendrier », ne convient pas à tout le monde, en effet.

La sédation palliative ne doit cependant pas être vue comme une solution de rechange à l’aide médicale à mourir. Contrairement à l’aide médicale à mourir, précise la Dre Nguyen, la mort doit être très imminente et il faut que les médecins soient incapables de soulager la souffrance du patient autrement. Elle n’est donc pas proposée d’emblée ni à tous les patients.

Dans la majorité des cas, avec la médecine moderne, « on ne meurt pas dans des souffrances incontrôlées », tient à rappeler la Dre Nguyen. La plupart des morts sont « ordinaires » », dans le sens que le patient est bien soulagé.

Quand les critères sont remplis et que la décision est prise, le patient sous sédation palliative sera plongé dans un coma, qui peut durer de quelques jours à deux semaines – ce qui est rarissime, note la Dre Nguyen.

Le conjoint de la Dre Francœur, lui, a rendu son dernier souffle en 36 heures.

Quand la mort arrive au bout de quelques jours, les proches ne risquent-ils pas de s’épuiser en restant au chevet du patient à temps plein, pour ne pas rater ses derniers moments ?

La Dre Francœur répond que les médecins qui accompagnent les gens en fin de vie reconnaissent les signes des dernières heures et peuvent prévenir la famille que la mort est pour très bientôt.

La Dre Nguyen fait pour sa part observer que les proches se mettent souvent une trop grosse pression pour être présents à la fin. Au-delà de ces tout derniers moments, il y a l’amour qui a été donné tout au long de la vie, rappelle-t-elle. Une personne recevant une sédation palliative continue est plongée dans un profond, profond sommeil.

Des croyances qui teintent les décisions

Médecin au CUSM, la Dre Stéfanie Gingras explique que dans une très grande majorité des cas, les patients n’ont besoin que d’être soulagés par des médicaments classiques qui traitent les douleurs.

Mais la sédation palliative peut être une avenue quand une personne vit une souffrance physique ou existentielle qu’aucun médicament ne parvient à soulager et qu’elle se dit incapable, par exemple, de continuer comme cela.

Elle peut donc être offerte à une personne qui a une peur énorme de mourir ?

En fait, répond la Dre Gingras, « au Québec, la qualité des soins varie » et « selon l’expertise et les connaissances du médecin », la pratique peut varier.

« L’idéal demeure d’être capable » d’offrir du confort au patient, « que les souffrances puissent être soulagées autrement », ce qui est le cas normalement.

Mais quand les autres options n’ont pas fonctionné, on peut en arriver à ce choix, d’autant que certains patients « préfèrent n’avoir conscience de rien ».

D’autres, au contraire, refuseront ce soin, incapables de « se couper de tout, d’accepter d’être lavés lorsqu’ils sont inconscients », par exemple.

Dans sa pratique, la Dre Gingras explique qu’elle a toujours vu les patients mourir à l’intérieur de cinq jours de sédation palliative continue.

Elle souligne enfin que comme l’aide médicale à mourir, la sédation palliative continue est encadrée par une loi. Elle requiert un consentement, qui peut être donné par un proche si le patient n’est plus en mesure de donner son accord lui-même.

Et si les proches sont en désaccord ? Le mieux, c’est qu’une personne ait un mandataire médical, mais la Dre Gingras indique n’avoir jamais été témoin de dissension, tant la sédation palliative continue s’impose d’elle-même quand elle est proposée.

*Les données pour l’aide médicale à mourir et sur la sédation palliative continue émanent du rapport d’activités 2021-2022 de la Commission sur les soins de fin de vie.