Le ministre de la Santé déposera mardi 150 amendements pour ajuster sa réforme, mais qui ne la changeront pas sur le « fond ».

(Québec) Christian Dubé pourrait avoir recours au bâillon pour atteindre sa cible d’adopter sa vaste réforme d’ici la fin de la prochaine session, en décembre. Le ministre de la Santé veut que la nouvelle agence Santé Québec soit « opérationnelle » dès le printemps 2024.

Au premier jour de la reprise de l’étude de l’imposant projet de loi 15, qui vise à rendre plus efficace le réseau de la santé et des services sociaux, le ministre Dubé a refusé de s’engager à ne pas avoir recours au bâillon pour l’adopter, comme le demandait le député solidaire Vincent Marissal. Bien qu’il assure que ce ne soit pas son « objectif » pour l’instant, le ministre explique qu’il ne peut écarter cette option pour l’avenir.

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« C’est sûr que j’aimerais mieux ne pas avoir besoin d’un bâillon, mais si c’est ça que ça prend, un moment donné, on le fera. Mais on n’est pas là du tout en ce moment », a-t-il expliqué à l’émission Tout un matin de Patrick Masbourian, lundi matin. Il a repris essentiellement son discours à son arrivée en commission ajoutant qu’il pourrait avoir recours à cette mesure d’exception si l’opposition retarde les débats.

C’est que Christian Dubé veut que le projet de loi 15 – une brique de 300 pages et quelque 1200 articles – soit adopté d’ici la fin de la session parlementaire, qui se termine le 8 décembre prochain. D’ailleurs, les parlementaires ont repris lundi l’étude détaillée du texte législatif, trois semaines avant la reprise des travaux. Six jours d’étude sont prévus jusqu’au 29 août.

« Si on veut que les Québécois commencent à voir l’effet du PL15 […] il faut, à un moment donné, mettre une limite à ce travail-là », a plaidé M. Dubé en ouverture de la Commission de la santé et des services sociaux à l’Assemblée nationale. Le ministre mise sur les amendements qu’il va présenter ce mardi pour convaincre l’opposition de s’entendre rapidement avec lui.

M. Dubé a pour objectif de créer Santé Québec au printemps 2024. Le projet de loi 15 prévoit une période de six mois après son adoption pour constituer cette toute nouvelle société d’État.

Une liasse de 150 amendements

Christian Dubé déposera mardi une liasse de 150 amendements qui viendront modifier le projet de loi 15. Il n’est pas question de revoir sur le fond les objectifs de sa réforme.

Les propositions toucheront notamment la gouvernance clinique. Des aménagements seront aussi proposés pour la définition des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) pour répondre aux critiques des médecins qui se disent écartés des lieux « décisionnels ».

Au printemps, M. Dubé s’était aussi dit ouvert à revoir certaines dispositions du texte législatif venant modifier le nombre de comités d’usagers dans le réseau. Il devrait aussi donner suite aux demandes de la Vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, qui a fait état des obstacles rencontrés pour avoir accès aux organismes privés de santé, comme les entreprises ambulancières.

Le ministre a par ailleurs annoncé qu’il soumettra un autre lot d’amendements (en plus des 150) à la mi-septembre. « Je veux qu’à la mi-septembre, que tous les amendements [soient] déposés. Ensuite on regardera ce qu’il nous reste à faire », a expliqué M. Dubé.

Il faut rappeler que le ministre de la Santé a déposé une première série de 45 amendements à la fin mai. Ceux-ci n’ont pas encore été tous étudiés en commission.

Christian Dubé a rappelé lundi que plusieurs articles du projet de loi 15 reprennent des dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux que sa réforme vient réviser. Selon lui, des 1200 articles du texte législatif, environ 250 sont plus « costauds ». Ces articles pourraient être priorisés pour accélérer l’étude détaillée. Des négociations auront lieu en ce sens avec l’opposition.

Pas si vite, dit l’opposition

Selon le Parti libéral du Québec, le scénario d’adopter un projet de loi aussi costaud d’ici la fin de la session « ne tient pas la route » et est de « mauvais augure » pour la suite.

« Je ne pense pas que c’est utile de mettre une finalité à la chose, de dire que décembre ça devrait être terminé parce que oui, il y a un travail à faire et le nôtre c’est de poser des questions […] et de pousser pour ceux qui n’ont pas de voix autour la table », a fait valoir le député libéral André Fortin.

« Ce qu’on veut, c’est se donner le temps pour mesurer les effets de la réforme, qui est ambitieuse, et de pouvoir justement s’assurer que cette réforme-là […] soit positive », a expliqué de son côté le député du Parti québécois, Joël Arseneau. « Alors, d’imposer un calendrier à ce stade-ci, je pense que ce n’est pas la voie à suivre », a-t-il ajouté en mêlée de presse.

« C’est une grosse pilule à avaler », a affirmé lundi le député solidaire Vincent Marissal faisant référence à l’échéancier du ministre. « Il dit lui-même que ça va prendre 4, 5, 6, 7 ans avant d’en récolter les fruits. Où est l’urgence de nous rentrer ça dans la gorge ? », a-t-il ajouté.

Les parlementaires ont consacré environ 36 heures à l’étude article par article du projet de loi lors de la dernière session parlementaire – ce qui exclut l’étape des consultations particulières.

À titre de comparaison, la réforme de l’ex-ministre Gaétan Barrette (« loi 10 ») qui a mené à la création des CISSS et des CIUSSS comportait 165 articles. Le gouvernement Couillard avait choisi en 2015 d’imposer le bâillon après 70 heures de débats parce que l’étude détaillée ne progressait pas assez vite à ses yeux.

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