(Québec) Ian Lafrenière juge « fort de café » la sortie du Collège des médecins contre son projet de loi qui vise à introduire la sécurisation culturelle en santé. Le ministre n’a pas l’intention de revoir sa « position » sur le racisme systémique ni de « corédiger » son texte législatif avec les Premières Nations, comme demandé par l’ordre professionnel.

« J’ai trouvé ça fort en café ce matin, bien honnêtement, mais je suis ici pour les entendre », a lancé le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuits, à son arrivée aux consultations parlementaires sur le projet de loi 32. Le texte législatif vise à introduire l’approche de sécurisation culturelle dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Le ministre Lafrenière réagissait à la sortie du Collège des médecins qui critique fortement la première mouture du projet de loi. L’ordre professionnel a ouvert le bal des consultations, mardi, lors de la rentrée parlementaire à Québec. Au cœur des griefs : le refus du gouvernement Legault de reconnaître l’existence du racisme systémique dans le réseau de la santé.

Lisez le texte « Québec doit reconnaître le racisme systémique, dit le Collège des médecins »

« Ce n’est pas une surprise et ma position ne sera pas une surprise non plus. […] C’est la même », a expliqué M. Lafrenière. D’autres groupes qui seront entendus mardi et mercredi demandent la même chose. C’est le cas du docteur innu Stanley Vollant qui affirmait dans une entrevue au Devoir qu’il faudra « nommer l’éléphant dans la pièce » lors des consultations.

« Ce mot-là, ça divise, on n’arrive pas, on n’arrive pas à se rassembler », a réitéré le ministre. « C’est profond de voir à quel point ça crée un schisme alors présentement Québec, ce qu’on a décidé de faire, c’est de faire un groupe d’actions contre le racisme, d’avoir des actions concrètes, de faire des changements qui sont concrets », a répété M. Lafrenière en mêlée de presse.

Pour le Collège des médecins, « il n’y aura pas de changements » tant et aussi longtemps que le gouvernement ne commencera pas par reconnaître le racisme systémique dans le réseau de la santé. Selon eux, le projet de loi n’est pas assez « contraignant », est exempt « d’empreinte des nations autochtones » et est caractérisé par une approche « colonialiste et paternaliste ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le DMauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec

Corédaction

Par ailleurs, Ian Lafrenière a rejeté la demande de l’ordre professionnel qui réclame que le texte législatif soit « coécrit » avec les Premières Nations. Le ministre affirme mercredi avoir été « choqué » par cette critique. Il a rappelé qu’il a besoin de l’appui des médecins pour réussir l’instauration de la sécurisation culturelle dans les hôpitaux et les milieux de soins de la province.

« Avant même de venir ici, on a consulté 13 groupes, dont la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et Labrador », a-t-il plaidé. « Ça voudrait dire quoi [une corédaction] ? […] Est-ce que tout le monde a la même position au Québec même du côté des Premières Nations ? Je ne pense pas […] Je ne vois pas sous quelle forme ça pourrait prendre », a poursuivi le ministre.

En commission parlementaire, M. Lafrenière a affirmé que le gouvernement n’était « jamais allé aussi loin » en consultant des groupes en amont des consultations particulières. Le président du Collège des médecins a rétorqué qu’il est possible d’y arriver expliquant que leur mémoire a été coécrit avec les Premières Nations.

« On n’a pas consulté ces personnes-là, on a écrit le mémoire avec elles. C’est ça qu’on veut dire par cocréer, coconstruire, coécrire, de le faire ensemble et non pas pour eux ».

Les consultations se poursuivent mercredi. L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), qui représente 43 chefs autochtones, juge pour sa part le projet de loi « irrespectueux » et ne participera pas aux consultations.

Québec s’est engagé après le décès tragique de Joyce Echaquan, en septembre 2020, à instaurer le concept de sécurisation culturelle dans le réseau de la santé.

Il s’agit aussi d’une recommandation de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, dite la commission Viens. Fait à noter, le juge à la retraite qui a présidé les travaux, Jacques Viens, sera entendu mercredi.

Qu’est-ce que la sécurisation culturelle ?

La sécurisation culturelle désigne des soins qui sont offerts dans le respect de l’identité culturelle du patient, notamment. L’objectif est entre autres d’accroître le sentiment de sécurité des Autochtones envers les services publics de santé.