(Québec) Le syndicat des intervenants en soutien en domicile et leur ordre professionnel saluent la décision de la ministre Sonia Bélanger de s’attaquer à la lourdeur des tâches administratives. L’opposition s’en réjouit aussi, mais lui demande maintenant d’aller plus loin.

« À première vue, cette initiative constitue une avancée importante dans la reconnaissance de l’expertise et du jugement professionnel de nos membres », reconnaît le président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Robert Comeau. En pleine négociation avec l’État, le syndicat accueille favorablement le nouveau chantier de la ministre déléguée à la Santé.

Selon l’APTS, le projet de Mme Bélanger permettra de « réduire le fardeau des tâches administratives qui pèse sur les épaules d’une partie du personnel œuvrant en soutien à domicile » en plus de faire la démonstration « qu’il est possible d’améliorer l’accès aux services lorsque le gouvernement est à l’écoute des travailleurs pour améliorer l’organisation du travail ».

La Presse rapportait vendredi que la ministre Sonia Bélanger passe à la trappe les formulaires de 36 pages, abolit les évaluations « systématiques » et sonne la fin de la reddition de comptes toutes les « 15 minutes » pour que les soignants passent davantage de temps auprès des patients et moins derrière un bureau. Le premier volet de son chantier touche les intervenants psychosociaux.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre déléguée à la Santé Sonia Bélanger

L’APTS plaide depuis plusieurs années pour la réduction du fardeau administratif de ses membres qui peuvent passer plus de cinq heures par exemple à remplir des formulaires d’évaluation. Il s’agit aussi d’une demande de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec.

« Pour ce qui est du soutien à domicile, le Ministère avait implanté il y a un certain temps ce qu’on appelle l’approche Toyota », relate le président Pierre-Paul Malenfant. « Une approche où tout est calculé à la minute, où il faut rendre des comptes toutes les 15 minutes… Ça fait longtemps qu’on décrie ça. Ça va à l’encontre de l’autonomie professionnelle », ajoute-t-il.

Des travailleurs sociaux qui ont étudié, qui ont de l’expérience, ils sont capables d’avoir du jugement professionnel, savoir ce dont une personne a besoin sans toute une mécanique bureaucratique.

Pierre-Paul Malenfant, président de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec

L’ancien ministre libéral de la Santé, Yves Bolduc, a été l’un des premiers à implanter ce modèle dans le réseau de la santé pour augmenter la performance, en 2008.

Le président-directeur général du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal – qui est l’un des établissements qui participent au déploiement du projet pilote – indique lui aussi avoir constaté au fil du temps une augmentation de la bureaucratie dans les services de soutien à domicile.

« L’intention de base [était] louable, mais [aujourd’hui] ça va tellement dans les détails que ça dépasse le besoin très pragmatique », explique Jean-François Fortin-Verreault. Il salue l’approche de la ministre Bélanger. L’Est-de-Montréal dessert une population vulnérable et vieillissante. Malgré des améliorations au niveau de l’offre de soins à domicile, il constate que la demande croît trop rapidement.

« Dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre […] de réussir à trouver des solutions pour alléger la tâche des gens et leur permettre de faire ce qu’ils aiment le plus, c’est-à-dire donner des soins, je pense que c’est un bon angle d’action », soutient-il.

La ministre doit aller plus loin

La députée libérale Linda Caron se dit « déçue » du plan d’action proposé par la ministre Bélanger. « Éliminer la paperasse […] c’est la base », a-t-elle souligné. « C’est un parcours du combattant pour avoir des services alors, si on agit seulement sur la paperasse, c’est un bon départ, mais la révolution en soins à domicile ne sera pas très avancée », a déploré Mme Caron.

Sa collègue de Québec solidaire, Christiane Labrie, espère de son côté que la volonté de la ministre va se concrétiser dans le réseau. « La question du minutage, de la surveillance constante des professionnels, si ça change vraiment, va apporter une amélioration considérable des conditions de travail du personnel qui offre des soins. […] Ce que j’ai lu représenterait vraiment un changement de culture dans l’organisation ».

Le Parti québécois rappelle que les « sommes consenties par Québec sont largement insuffisantes ». Le député Joël Arseneau accueille favorablement la volonté de Mme Bélanger de « faire un grand ménage dans la paperasse », mais lui demande de s’engager à conserver des indicateurs pour « mesurer l’impact concret de ces mesures ».