La circulation des virus respiratoires et la grève dans le réseau de la santé rendent la situation dans les urgences « extrêmement difficile », prévient l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec. Le taux d’occupation des civières dépasse 200 % dans plusieurs hôpitaux de la province.

Ce qu’il faut savoir

  • La situation est « extrêmement difficile » dans les urgences depuis la fin de semaine dernière.
  • Le taux d’achalandage dans les urgences du Québec s’est établi à 132 % en moyenne dans la dernière semaine, mais plusieurs hôpitaux enregistrent des taux de plus de 200 %.
  • La circulation des virus respiratoires et la grève dans le réseau de la santé contribuent à cette situation difficile, estime l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec.

« Depuis dimanche, c’est extrêmement difficile. Il manque de personnel », indique le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le DGilbert Boucher. De nombreux patients nécessitant d’être hospitalisés aux étages se voient obligés de demeurer aux urgences, parfois pendant des jours.

« Dans toutes les urgences sur l’île de Montréal, à une ou deux exceptions près, on a des patients qui ont passé plus que 48 heures dans le corridor », dit le DBoucher. Lanaudière et les Laurentides sont les régions qui enregistrent actuellement le plus haut taux d’occupation des urgences. Chaudière-Appalaches, Laval, Montréal et la Montérégie suivent.

Cet important achalandage n’est pas sans conséquence pour les patients.

Il y a beaucoup de personnes qui repartent sans être vues. On espère que ça va descendre rapidement, mais c’est sûr que plus on passe de jours à 150-200 % [d’occupation], plus ça peut être dangereux pour les patients.

Le DGilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec

Les professionnels de la santé accordent actuellement la priorité aux patients sur des civières. « Il ne nous reste vraiment pas beaucoup de ressources pour les nouveaux patients qui se présentent aux urgences », dit le DBoucher. Les patients qui nécessitent une prise en charge rapide, soit les priorités 2 de 3, peuvent se retrouver à attendre plusieurs heures avant d’être vus. « Alors ça, c’est beaucoup plus inquiétant », lance le DBoucher.

Les virus respiratoires en cause

« C’est vraiment un influx de virus qui nous cause des problèmes en ce moment », indique le DBoucher. Le Québec observe actuellement une forte vague d’infections respiratoires. Près de 112 000 personnes par jour contractent une telle infection, selon les sondages hebdomadaires réalisés par l’Institut national de santé publique du Québec.

Le virus de la COVID-19 n’est pas le seul à circuler abondamment. Le virus respiratoire syncytial affiche un haut taux de propagation tandis que l’influenza A commence également à se faire de plus en plus sentir.

La grève a également un impact sur l’achalandage des urgences, note le DBoucher. « Les services essentiels sont maintenus, mais avec les enfants qui ne vont pas à l’école, on manque quand même du personnel », dit-il. Certains rendez-vous en clinique sont annulés, alors « c’est des gens qui de temps en temps vont venir à l’urgence ».

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Manifestation devant le CHUM, mercredi

La deuxième séquence de grève du front commun du secteur public a débuté mardi et se poursuivra jusqu’à jeudi. Le front commun regroupe 420 000 travailleurs de quatre syndicats (CSN, CSQ, FTQ et APTS). Les secteurs de la santé, des services sociaux et de l’éducation sont touchés.

« Avec le retour du temps froid, les virus et la grève, on n’a juste plus les moyens de s’adapter. On utilise vraiment nos ressources au maximum », résume le DBoucher.

Soulager les urgences

Interrogé pour savoir quels gestes la population doit faire pour soulager les urgences, le DBoucher est sans équivoque : il faut éviter les urgences si la situation ne nécessite pas une prise en charge rapide. « Attendez une ou deux journées pour les cliniques, ça vaut la peine », dit-il.

Les personnes qui ne se sentent vraiment pas bien ne doivent toutefois pas hésiter à s’y rendre, dit le DBoucher. « C’est arrivé, d’autres années, où les patients se sont présentés plusieurs heures trop tard pour des AVC ou des crises cardiaques, mais ils auraient dû venir bien plus tôt. Pour ces gens-là, si vous venez à l’urgence, on va s’occuper de vous », dit-il.

Les urgences reçoivent 9881 visites par jour en moyenne. Le délai de prise en charge après le triage est de 3 heures 10 minutes, soit 20 minutes de plus que la semaine dernière.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse