Des tarifs dépassés, une sélection d’appareils limitée et une bureaucratie excessive : des professionnels en orthèses et prothèses dénoncent leurs conditions actuelles. Ils veulent participer à la réforme de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

« C’est un casse-tête », lance Christian Hébert, technologue en orthèses-prothèses au CISSS des Laurentides. « Pour facturer un appareil, il faut détailler jusqu’à la moindre vis qu’on utilise, ce qui engendre un temps inutile. » Il estime qu’il peut passer jusqu’à 50 % de son temps de travail à remplir les documents demandés par la RAMQ.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et la RAMQ travaillent actuellement à une refonte de la liste des orthèses et des prothèses. Dans le cadre des travaux liés à cette réforme, les orthésistes et prothésistes du réseau public doivent transmettre à la RAMQ de nombreuses informations sur les appareils qu’ils offrent à leurs patients, ce qui entraîne une importante lourdeur bureaucratique, déplorent-ils.

PHOTO FOURNIE PAR CHRISTIAN HÉBERT

Christian Hébert, technologue en orthèses-prothèses au CISSS des Laurentides

« Ça engorge le système », dit Christian Hébert. Ces travaux entraînent des « délais déraisonnables » avant que les patients aient accès aux appareils, ce qui peut nuire à leur état de santé, soutient-il. Pour un patient en réadaptation, ce délai peut faire la différence « entre retourner chez lui ou être obligé d’aller en ressource intermédiaire ».

Il n’est pas le seul qui est préoccupé par la situation.

Dans un sondage réalisé par l’association en 2023, près de 40 % des membres ont nommé la réforme de la RAMQ comme faisant partie de leurs enjeux et préoccupations, notamment en raison de la lourdeur administrative.

Le MSSS soutient que la RAMQ travaille « à alléger, lorsque possible, les processus administratifs des dispensateurs ».

« C’est le silence radio »

En mars 2022, La Presse a rapporté que des orthésistes et prothésistes craignaient l’entrée en vigueur en avril 2022 d’une nouvelle grille tarifaire de la RAMQ qui « fragiliserait durement » leurs activités. À la suite de l’article, la RAMQ a fait marche arrière et a suspendu temporairement l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs.

« Depuis avril 2022, c’est le silence radio. On n’a aucun retour. On n’a même pas d’accusé de réception de nos courriels », soutient la directrice générale de l’Association des orthésistes et prothésistes du Québec (AOPQ), Christiane Ouellette. L’AOPQ demande au gouvernement d’être tenue au courant de la réforme et d’y collaborer.

Appelé à réagir, le MSSS a déclaré que « l’AOPQ sera informée de toute nouvelle grille tarifaire au moment où l’avancement des travaux le permettra ». Il soutient que « la reconnaissance des compétences et de l’autonomie des différentes professions impliquées dans l’attribution des appareils fait partie des réflexions ».

Un choix limité d’appareils

Par ailleurs, les spécialistes consultés se désolent d’être limités au quotidien dans leurs choix d’appareils.

C’est la RAMQ qui décrète quels appareils on peut prendre, mais ce n’est pas toujours le meilleur appareil pour les clients. Par exemple, on est limités dans le choix de fauteuils roulants pour que ça corresponde au prix que la RAMQ veut.

Christian Hébert, technologue en orthèses-prothèses

Il rêve du jour où il pourra offrir des appareils à la fine pointe de la technologie à ses patients. « Le milieu de l’orthèse-prothèse explose sur le plan de la technologie depuis 15 ans. Donnez-moi la possibilité de donner ça à mon client pour bien le servir, puis lui donner toutes les possibilités de retourner au travail ou à l’école. » Selon lui, il est bénéfique de fournir un appareil plus coûteux à un patient si ça peut lui « permettre d’aller retravailler ensuite ».

Les orthésistes et prothésistes dénoncent aussi le manque de reconnaissance de la profession et souhaitent une plus grande autonomie. Pour qu’une personne puisse avoir une canne ou un déambulateur couvert par la RAMQ, « la personne doit avoir vu un médecin spécialiste, un ergothérapeute ou un physiothérapeute », explique Jacinte Bleau, présidente du conseil d’administration de l’AOPQ et présidente du laboratoire Médicus. Elle soutient que l’orthésiste-prothésiste est pourtant tout à fait en mesure d’évaluer si un patient en a besoin.